L'Europe et les États-Unis ne veulent plus dépendre d’un ou deux pays asiatiques pour leur approvisionnement en semi-conducteurs. Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
C’est devenu l’obsession des États-Unis et de l’Europe, ne plus dépendre d’un ou deux pays asiatiques pour leur approvisionnement en semi-conducteurs.
Jadis, c’était le pétrole qui était considéré comme la ressource la plus critique pour la prospérité des économies. Aujourd’hui, ce sont les semi-conducteurs. Ils sont partout. C’est LA matière première du XXIe siècle. Et la crise du Covid a encore accentué notre dépendance à l’égard des puces électroniques, tout simplement parce que cette crise accélère la digitalisation des économies. Or un peu comme pour les médicaments, dont les principes actifs sont majoritairement produits en Asie, les pays occidentaux -Etats-Unis et Europe- se réveillent et réalisent aujourd’hui à quel point ils sont dangereusement dépendants de pays asiatiques comme Taïwan, la Corée ou la Chine pour leurs semi-conducteurs.
Du coup, les États-Unis veulent reconquérir leur autonomie stratégique en la matière.
C’est critique, en effet, et l’administration Biden a lancé un audit des chaînes d’approvisionnement de plusieurs secteurs stratégiques, au premier rang desquels les composants électroniques. Il est clair que dans un contexte de tensions croissantes avec la Chine, les Etats-Unis ne peuvent pas se permettre d’être à la merci d’un fournisseur de puces asiatique pour son industrie. Comme dans les médicaments, en l’espace grosso modo d’une génération, les pays occidentaux ont laissé filer une grande partie de l’industrie des composants électroniques en Asie. En 1990, les Etats-Unis produisaient 37% des puces électroniques dans le monde. Aujourd’hui, ils ne pèsent que 12% alors même que ces composants sont infiniment plus sophistiqués et complexes à concevoir et à fabriquer.
Mais il n’est pas trop tard pour rattraper ce retard ?
Le géant américain des semi-conducteurs, Intel, fait le pari que non. Il a annoncé ce mercredi 20 milliards de dollars d’investissements dans de nouvelles usines de puces électroniques. Il veut aussi investir en Europe car nous sommes nous aussi (et même encore plus que les États-Unis) dépendants de fournisseurs asiatiques. Il est important que pour certains composants critiques au moins, nous soyons capables nous aussi d’atteindre un certain degré d’autonomie technologique. Les puces sont le carburant des économies avancées. Nous ne pouvons pas être entièrement dépendants de fournisseurs qui, pour des raisons économiques ou politiques, pourraient demain nous bloquer.