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Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

L’objectif est de renouveler les élites. Pour cela, Emmanuel Macron veut supprimer l’ENA qui forme les cadres dirigeants de l’administration. Est-ce une bonne ou mauvaise idée ?

Disons les choses : c’est une idée parfaitement démagogique. L’ENA est un symbole, un bouc émissaire facile. On la supprime ? Très bien. Mais a-t-on pour autant résolu le problème posé, à savoir le manque de renouvellement des élites ? Non. Si on fait un peu d’histoire, rappelons que l’ENA a été créée en 1945 par le général De Gaulle justement pour démocratiser le recrutement des élites. Déjà ! Car auparavant, sous la IIIe République, pour devenir haut fonctionnaire, il fallait des réseaux, être dans les petits papiers des dirigeants, des politiques. Et puis De Gaulle avait aussi créé l’ENA parce que la France était en pleine reconstruction et que nous avions besoin de cadres méritants pour mener à bien ce chantier. Et ça a très bien marché. Cette élite administrative a joué un rôle majeur pendant les trente glorieuses.

Mais aujourd’hui, ça se justifie moins ?

Aujourd’hui, il y a beaucoup moins de raisons d’avoir une filière spécialisée de recrutement de hauts fonctionnaires. Au Royaume Uni, qui a une excellente fonction publique, il n’y a pas d’école comme l’ENA. L’administration recrute à la sortie des grandes universités, Oxford, Cambridge, comme un employeur privé. Et elle recrute des cadres qui, après quelques années dans le public, passeront facilement dans le privé. La vraie réforme, vous le voyez bien, ce n’est pas de supprimer l’école, c’est de supprimer le statut qu’elle procure. Il n’y a pas de raison que ceux qui sont les meilleurs, les mieux formés, donc ceux qui peuvent le plus facilement retrouver un emploi, bénéficient d’un statut protégé. L’administration devrait pouvoir recruter ses cadres comme dans le privé, en CDI, et avoir la possibilité de licencier.

Mais il faudrait aligner les salaires sur ceux du privé ?

C’est vrai mais on se poserait peut-être davantage la question de savoir si tel ou tel poste est vraiment justifié puisqu’il coûterait plus cher. Mettre l’administration en concurrence avec le privé pour recruter des talents n’est pas une mauvaise chose en soi. La gestion des ressources humaines dans l’administration gagnerait certainement en efficacité. Et on créerait de vraies passerelles entre le public et le privé. Au-delà de la suppression de l’ENA, c’est le fonctionnement de la haute fonction publique qui doit être repensé. On verra si le gouvernement va jusqu’au bout de ce chantier. Ou s’il s’arrête au symbole. C’est un bon test de sa volonté de réforme.