François Clemenceau revient chaque matin sur un évènement international au micro d'Europe 1 Bonjour.
La Chine sort-elle renforcée ou affaiblie par le voyage de Kim Jong-un à Pékin ?
C’est aujourd’hui qu’une nouvelle rencontre entre dignitaires des deux Corées va se tenir. Comme si avec le voyage de Kim Jong-un à Pékin, les choses s’accéléraient. Mais est-on bien sûr de savoir qui a la main ?
C’est une question très difficile car ces périples et ces tractations se préparent et se déroulent dans le plus grand secret. Mais comme l’écrivait récemment l’un des meilleurs sinologues, François Godement, nous assistons presque aveugles à une partie de poker. Avant les Jeux Olympiques, celui qui donnait l’impression d’avoir la main, c’était Kim Jong-un. Au mépris de toutes les résolutions et de toutes menaces, il annonçait qu’il avait atteint la puissance nucléaire et se permettait de défier la terre entière. Puis, ce fut le tour du président sud-coréen de prendre la main, en initiant cette diplomatie de la trêve olympique qui a permis aux dirigeants des deux Corées de se voir et de se parler et jusqu’à Pyong Yang d’où est sortie cette proposition d’un sommet entre Kim Jong-un et Donald Trump. Dans la foulée, l’empressement de la Maison Blanche de préparer ce sommet, en propulsant notamment le patron de la CIA Mike Pompeo au Département d’Etat, témoignait de l’ascendant que voulait prendre Washington dans cette partie.
Mais avec cette rencontre de Pékin, avec Kim Jong-un se déplaçant pour la première fois chez son voisin chinois, Xi Jinping veut marquer des points.
Disons que cela dépend de quel point de vue on se place. La Chine entend par cette visite, qui s’apparente à une forme de convocation, prouver qu’il va falloir compter avec elle. Pour aboutir peut-être à l’objectif recherché, c’est-à-dire la dénucléarisation de la Corée du Nord, mais surtout pour ne pas en laisser la paternité, en cas de succès, aux seuls Américains. Du point de vue des nord-coréens, l’idée est d’être au centre du jeu. Tout en indiquant qui sera son allié au cas où les choses tournent mal. Oui à un sommet avec Trump, et non sous l’égide des Nations Unies, pour bien montrer que l’on est prêt à négocier de puissance à puissance. Mais dans les deux cas de figure, la séquence chinoise est bien tardive, prudente peut-être car les risques de perte de crédibilité sont énormes, mais tardive et donc faible.
Sauf si l’on aboutit à un échec dans les mois à venir.
Oui, mais lorsqu’il y a échec, on a toujours plus d’indulgence pour ceux qui ont essayé de réussir que pour ceux qui sont restés à l’écart. On dit à Washington que Donald ne se serait pas engagé dans ce pari sans avoir mesuré ses chances de réussir et que c’est la raison pour laquelle il a confié l’organisation de cette diplomatie parallèle à la CIA plutôt qu’aux diplomates. Il n’y a plus qu’à attendre.