Gwendoline Debono revient chaque matin sur un évènement international au micro d'Europe 1 Bonjour.
Gwendoline Debono remplace Didier François ce lundi 26 mars 2018.
Samedi, plus d’un million américains sont descendus dans la rue pour protester contre la vente libre des armes à feu. C’est le double de ce qu’attendaient les organisateurs, ces jeunes rescapés du lycée de Parkland en Floride.
Ces jeunes survivants qui se définissent comme la génération des tueries de masse ont réveillé l’Amérique. Jamais depuis le mouvement contre la guerre du Vietnam, une marche n’avait autant mobilisé, c’était en 68. Cinquante ans plus tard, plus de 800 villes des États-Unis sont descendues dans la rue. Les avenues de Washington se sont une nouvelle fois remplies d’hommes et de femmes portant leur revendications sur des banderoles. "Marchez pour vos vies avant que ce soit le boulot de quelqu’un d’autre" c’est avec ces mots qu’Emma Gonzales a conclu son discours. À Washington, l’intervention de cette rescapée devenu symbole de la lutte contre les tueries scolaires était peut-être le moment le plus poignant de cette mobilisation. Elle a cité les noms de ses camarades morts sous les balles puis, en larmes, elle a fixé la foule en silence pendant de longues minutes. Toute la ville s’est tue. Emma Gonzales est resté sur scène six minutes et vingt secondes, le temps qu’il a fallu au tueur de son lycée pour abattre 17 personnes.
Il y a une épidémie de tueries de masses aux États-Unis, pourquoi celle-ci a généré cet électrochoc ?
D’abord, les adolescents de Parkland ont trouvé la force de politiser leur douleur juste après la tragédie. Le pays choqué les a écoutés. Leurs visages, sur toutes les télés, ont donné un second souffle à la lutte anti armes. Ensuite, ils le disent eux-mêmes, ils viennent de la classe moyenne plutôt aisée, maitrisent les codes des réseaux sociaux et ils ont l’âge de se mobiliser. Ce n’était évidemment pas le cas des camarades des élèves tués à Sandy Hook en 2012, 16 des 20 enfants abattus étaient âgés de six ans. Il y a également un effet de saturation dans l’opinion américaine. Il faut avoir conscience qu’en 20 ans, près de 187.000 élèves ont été confronté à la violence armée dans leur collège, dans leur lycée dans leur université. Ce sont tous ces éléments qui permettent à ces adolescents de monter à l’assaut du Congrès et de la NRA, le puissant lobby pro arme.
Est-ce que cette mobilisation peut changer les choses ?
En moins d’un mois, le mouvement a engrangé quelques succès. En Floride, l’État où se trouve le lycée de Parkland, traditionnellement très pro armes, l’âge minimum pour acheter une arme à feu est passé de 18 à 21 ans. Des restrictions sur la vente d’accessoires qui permettent le tir en rafale ont été imposés. Néanmoins, on est encore loin d’une interdiction, entre autres, de vente de fusils d’assaut à des civils. Politiquement, les Républicains, majoritaires au Congrès restent inflexibles. Ils considèrent que les revendications des jeunes portent atteinte au deuxième amendement, qui garantit le droit de posséder une arme. Donald Trump, qui a d’habitude le tweet rapide, n’a toujours rien dit de la manifestation de ce week-end. L’influence du lobby pro arme sur la vie politique américaine reste énorme, c’est pourquoi les lycéens espèrent que leur mouvement pèse sur les élections de mi-mandat en novembre. La menace des urnes, une stratégie efficace même si tous sont conscients que c’est un combat marathon. Ça l’est forcément puisqu’ils s’attaquent à une culture, plus qu’à une législation.