Didier François revient chaque matin sur un évènement international au micro d'Europe 1 Bonjour.
Cela faisait neuf ans que les Libanais n’avaient pas été appelés aux urnes mais ils ont enfin voté ce dimanche pour renouveler le Parlement.
Effectivement, la première élection démocratique depuis 2009 avec en plus une petite dose de proportionnelle ce qui a ouvert le scrutin à des candidats de la société civile, parfois très originaux.
Les bureaux de votes ont donc fermé ce dimanche soir dans tout le Liban. Évidemment, les résultats officiels n’ont pas encore été publiés mais le premier bilan de ce scrutin législatif c’est qu’une partie importante de la jeunesse (qui d’habitude s’abstenait) cette fois s’est mobilisée pour soutenir les nouveaux candidats issus de la société civile.
Effectivement, c’est vraiment la grande nouveauté de ce scrutin. L’introduction d’une toute petite dose de proportionnelle dans un système qui reste tout de même très verrouillé. Puisque vous savez qu’au Liban, les circonscriptions sont découpées en fonctions des appartenances religieuses : chrétiens, sunnites ou chiites. Que c’est un suffrage par listes, sans panachage possible, ce qui favorise terriblement les partis traditionnels dirigés par les grandes familles du pays et étouffait complétement la vie politique libanaise jusqu’à ces élections. Puisqu’une réforme récente autorise un vote dit "préférentiel" qui, grâce à un mode de calcul extrêmement compliqué, permet de faire élire quelques candidats qui ne seront pas automatiquement issus du système.
Ce qui ne changera pas fondamentalement les rapports de force ?
Non, bien sûr. Mais ça a quand même permis de dynamiser la campagne parce que de nombreux militants associatifs se sont engouffrés dans cette brèche. Ils sont une quinzaine à s’être présentés, des féministes par exemple ou des défenseurs des droits des homosexuels, beaucoup de candidats anti-corruption. Il faut dire que c’est une des plaies du Liban, avec évidemment son corolaire, qui est le clientélisme. Et l’effet de cette très légère ouverture aura été de motiver les jeunes dont une bonne partie se rendait aux urnes pour la toute première fois puisque les 128 députés sortants avaient quand même réussi le tour de force de se faire reconduire pour trois mandats successifs sans repasser devant les électeurs. C’est en tous cas ce qui semble se dessiner des sondages réalisés à la sortie des bureaux de vote où on a constaté une présence significative de la jeunesse, surtout dans les villes évidemment.
Est-ce que la situation régionale, la guerre en Syrie ou les menaces d’intervention militaires israéliennes ont pesé sur ce scrutin ?
Ces questions pèsent en permanence sur la vie politique libanaise et donc, évidemment, on en voit les conséquences sur le scrutin. Les Hezbollah chiites, allié des Iraniens, qui engagé militairement en Syrie reste de très loin le principal parti du pays et surtout la seule milice très lourdement armée. Et même si elle recule très légèrement dans certains de ses fiefs, sa domination n’est absolument pas remise en cause. Côté sunnites, le Premier ministre Saad Hariri, qui est très pro-occidental, est sorti plutôt conforté de sa mésaventure saoudienne. Il avait été forcé d’annoncer sa démission à la télévision depuis Ryad où il était retenu contre son gré jusqu’à ce qu’Emmanuel Macron obtienne sa libération. Un épisode qui lui a finalement donné l’image d’un dirigeant attaché à l’indépendance libanaise. Enfin côté chrétien, à priori les partisans du président Aoun, alliés au Hezbollah, devraient préserver leur rôle de pivot dans un système politique pesé au trébuchet où tout a été conçu pour que les décisions d’importances soient, en fait, prises par consensus.