Le plan de 50 milliards d'économies d'ici 2017 de Manuel Valls est un bon début, mais la France devra encore faire des efforts les années qui suivent, estime le gouverneur de la Banque de France.
Ce matin à 8h20, Europe 1 recevait Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France.
Ses principales déclarations :
Manuel Valls peut gouverner et appliquer son programme de stabilité avec une majorité de 33 voix ?
"En tout cas, il faut absolument qu'il l'applique ! Je suis sûr qu'il réussira à l'appliquer, il n'y a pas le choix, c'est absolument indispensable pour redresser l'économie et recréer des emplois."
A t-il eu raison de dramatiser ?
"Oui il a eu raison de dramatiser : toute l'Europe, le monde entier, regarde si la France sera capable de mener à bien ces réformes. Tout le monde sait que nous avons un problème de compétitivité, d'emploi. Sinon, ce qui peut se passer : que les taux d'intérêts remontent, qu'on doive payer davantage pour la dette publique, que ça pèse encore plus sur entreprises et ménages, ça nous obligera à faire des efforts encore plus grands."
A propos des 41 frondeurs qui reprochent à Valls de sacrifier le social au profit de la compétitivité :
"Je ne comprends pas cette attitude ! La plus grande inégalité est l'inégalité devant l'emploi. La meilleure façon de défendre les plus modestes, c'est d'assurer des créations d'emploi et une croissance plus forte. C'est comme ça vraiment qu'on arrivera à plus de justice dans la société, avec une économie plus florissante. Je trouve vraiment que le choix fait par le Premier ministre est le seul choix possible."
Vous leur demandez d'être plus responsables ?
"Oui bien sûr, non je crois que chacun doit prendre ses responsabilités."
50 milliards, est-ce suffisant ?
"Je crois que sur la durée, sur le moyen terme, il en faudra davantage mais, pour les prochaines années, ce programme est déjà un programme important, assez ambitieux. Pour aller plus loin, il faudra faire des réformes de structure très fortes dans l'administration, dans l'Etat. Elles seront nécessaires. Mais ce qui est fait est je crois raisonnable et permet de financer à la fois la baisse du déficit et le pacte de responsabilité d'une façon qui est tout à fait appropriée."
A moyen terme ?
"Quand on regardera à 5 ou 10 ans, il faudra aller plus loin. Mais je crois que pour les 3 prochaines années, c'est quelque chose qui est à la fois réaliste et qui permet de financer l'essentiel de ce qui est à faire."
Ce gouvernement promet que sa trajectoire va lui permettre d'atteindre les 3% d'ici 2015 : combien de milliards en plus ? Est-ce réalisable ?
"Oui c'est réalisable... Ça suppose évidemment une mise en œuvre très rapide du programme : le temps compte beaucoup ! Ca fonctionnera si on a bien à l'arrivée les créations d'emploi qui permettront de doper le pouvoir d'achat, avec davantage de gens qui auront un emploi, des revenus plus importants et plus stables, avec de l'investissement et de l'exportation. Tout ça c'est la compétitivité de l'économie : c'est exactement ce que doit être le résultat du programme."
Ce sont des paris... Des paris que ça va s'améliorer, que la croissance va revenir...
"Non, on fait tourner des modèles économiques ! On voit ce que donnent les mesures prises - en principe car on n'est pas complètement maitre de tous les paramètres - mais je trouve que c'est un chemin raisonnable, l'important est de le mettre en œuvre très vite. Il faut toujours un peu de temps avant d'en voir le plein effet ; il ne faut pas perdre de temps."
Manuel Valls a annoncé hier que Hollande et chefs d'Etat agiront, Parlement en place, pour un euro moins élevé. Que doit faire la BCE bientôt ?
"On ne peut pas faire mettre l'euro à la parité que l'on veut ; c'est une illusion de penser que, d'un coup de magique, on peut décider du niveau de l'euro."
La BCE a t-elle injecté assez de liquidités pour financer l'économie de l'Europe ?
"La BCE a injecté énormément de liquidités, nous finançons à guichet ouvert les banques de la zone euro pour qu'elles puissent faire tous les crédits nécessaires. Nous avons mis nos taux d'intérêt à un très bas niveau, équivalent à celui de la Fed des USA..."
Que recommanderiez-vous à la BCE pour ses prochains conseils ? On entend : "C'est la faute de l'euro"...
"C'est une illusion ! On n'a jamais eu des taux d'intérêts aussi bas ! Nos taux sont plus bas que les taux américains sur pratiquement toutes les durées. Nous avons des taux de refinancement de la France et l'Allemagne plus bas que les taux à dix ans des USA."
Il faut se contenter de ce qu'on a ?
"Je crois que pour l'essentiel il faut se contenter de ce qu'on a. Pour ma part, je suis favorable à ce qu'on fasse encore une ou deux mesures comme par exemple d'injecter plus de liquidités, techniquement ça veut dire suspendre des reprises de liquidité. Peu importe. Je pense qu'on peut faire encore un petit peu plus mais, pour l'essentiel, nous avons fait tout ce qui était nécessaire et nous avons obtenu des résultats qui sont pour l'instant exactement ceux que l'on pouvait obtenir."
Vous dites que Manuel Valls doit aller plus loin. Où ?
"Plus loin, c'est dans des réformes qui permettront de doper la croissance. Beaucoup de choses peuvent être faites, il a donné un bon exemple en ce qui concerne la réduction du poids de l'administration, de la sphère publique, qui handicape beaucoup les choses. La dépense publique sont des frais généraux. Il y a trop de fonctionnaires, c'est clair, il faudrait aller vers moins de fonctionnaires. La réforme des collectivités territoriales est très importante. L'an dernier, la masse salariale de l'ensemble des administrations a augmenté de 1,7% malgré le gel des mesures générales, le point d'indice. Elle a augmenté de 3,2% dans les collectivités territoriales ! C'est manifestement trop."
Fait-il accélérer cette réforme territoriale ?
"Oui, je pense qu'il faut l'accélérer autant que possible ! C'est une façon de faire des économies et de gagner du temps, de simplifier, avoir plus de dynamique dans l'économie. Il y a beaucoup de choses qu'on peut faire. Par exemple simplifier le code du travail, beaucoup trop compliqué, le code général des impôts, le code de la sécurité sociale... Faire en sorte que les choses soient plus simples pour les entreprises et entrepreneurs. Prenez un domaine comme celui du logement : 3.700 normes s'appliquent ! Il faut 4 ans pour donner le premier coup de pioche ! Jusqu'ici la politique du logement n'est pas très vaillante ; on n'a jamais eu autant d'argent pour la politique du logement, jamais eu des taux d'intérêts aussi bas, on n'a jamais construit aussi peu de logements... Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de terrain constructible, parce qu'il y a trop de normes paralysantes, les délais de procédure sont trop longs... Il faut s'attaquer à cela !"
Alstom se fiance avec GE ; il reste un mois pour d'autres propositions, dont Siemens soutenu sans doute par le tandem Hollande-Merkel ? Que pense le gouverneur de la Banque de France de la manière de gérer le sort d'Alstom ?
"Le gouverneur de la Banque de France n'a pas de responsabilités en matière de politique industrielle donc je suis très prudent là-dessus. J'observe deux choses. GE, si c'est elle, est une entreprise qui a beaucoup d'employés en France, des activités industrielles en France, qui les a maintenues, qui a des partenariats importants, par exemple avec Safran sur les moteurs d'avion, qui est une entreprise bien connue et très Française d'une certaine façon. Ensuite, ça montre bien que certaines entreprises françaises ont du mal à survivre seules et donc là aussi on retrouve le problème de compétitivité, de capacité d'investir, de se développer...C'est un argument de plus pour montrer que l'augmentation de la compétitivité des entreprises françaises est indispensable."