Benoit Hamon estime que tant qu'on ne changera pas le système européen, la contestation contre l'écotaxe ne sert à rien.
Benoît Hamon, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé de l'Economie sociale et solidaire et de la Consommation
Ses principales déclarations :
Les portiques de l'écotaxe sont détruits, brûlés : jusqu'où le gouvernement peut-il accepter ça ?
"Il ne l'accepte pas ! Je pense que c'est aux responsables des manifestations de demander à certains de leurs partisans d'arrêter de démonter les portiques, de casser. Ca a des conséquences en terme d'argent public, des conséquences mauvaises pour tous. On peut dialoguer, c'est l'invitation du Premier ministre que le dialogue existe, se poursuive sur l'avenir de la Bretagne, sans pour autant être obligés de se livrer à des opérations comme celles-ci..."
On a l'impression que certains bretons acceptent le dialogue si le gouvernement est d'accord avec eux...
"Il y a des revendications qui ne sont pas forcément les mêmes selon les agriculteurs, les patrons de PME ou les salariés de l'agroalimentaire ! Il s'agit aussi de voir qui demande exactement quoi. Si la demande, c'est de baisser le coût du travail pour payer deux fois moins les salariés en Bretagne pour être compétitifs avec les allemands qui embauchent des Roumains, on ne va pas s'entendre... D'abord le gouvernement ne s'entendra pas avec les chefs d'entreprises qui demandent cela..."
Donc on est battus ? Sauf à s'aligner au mini-job à 1 ou 2 euros de l'heure...
"Exactement, il y a un vrai sujet. On est très attentifs à ce qui se passe en Allemagne, si le SMIC est adopté, emmenant des conditions différentes... Ce qui nous permettrait d'être plus compétitifs que nous sommes... Mais ce n'est pas le problème du SMIC ! Si on embauche à 4 euros de l'heure en Allemagne, probablement en violation des règles du droit, c'est l'application de la directive détachement des travailleurs qui permet dans les conditions sociales du pays d'origine d'embaucher des travailleurs bulgares ou roumains ! Ce qui se fait aussi en France ! C'est un dévoiement total d'un texte européen qui emmène aujourd'hui à ce que les délocalisations sont importées chez nous ! Plus besoin de délocaliser les abattoirs, on embauche des salariés à 4 euros de l'heure !"
Il y en a chez GAD...
"Exactement ! C'est pour ça que je dis que les revendications et les intérêts des salariés et des chefs d'entreprises ne sont pas les mêmes ! C'est pour ça que vis à vis de l'avenir de la Bretagne - qui ne se résume pas à la question de l'écotaxe - il s'agit de poser toutes ces questions à la fois. Les élections européennes et le rôle du gouvernement français seront déterminants dans cette affaire.Je dis à celles et ceux qui manifestent, et aux Bretons : le combat mené par le gouvernement auquel j'appartiens est de faire en sorte de remettre en cause cette règle européenne-là, ça c'est du concret ! Ce combat est prioritaire : si on ne change pas l'écosystème européen, on n'y arrivera pas. En même temps, je constate que des entreprises n'avaient pas investi dans l'agroalimentaire depuis dix ans, sans doute à cause de ces problèmes de compétitivité, mais aussi à cause de choix stratégiques mauvais. Il faut faire la différence entre les uns et les autres."
Le 24 octobre, vous disiez : "Je ne souhaite pas que l'on revienne sur l'écotaxe pour la Bretagne". Vous maintenez ?
"Pourquoi j'ai dit ça ? Il y a une décision du Premier ministre qui est d'ajourner..."
Ajourner, vous êtes sûr ?
"Ajourner, oui : la discussion est engagée. Je réponds à votre première question : pourquoi je pensais cela ? Parce que ça va rapporter de l'argent, notamment aux infrastructures bretonnes, ça va permettre de financer des travaux indispensables pour rendre la région attractive. C'est pourquoi le gouvernement a souhaité mettre en œuvre cette écotaxe, votée par la droite... Le problème de cette écotaxe, c'est que sa remise en cause aujourd'hui nous coûterait 800 millions d'euros ! Pourquoi ? Parce que le gouvernement précédent a prévu que pour la collecte de cette taxe le consortium écomouv soit rémunéré à hauteur de 20% de la taxe collectée ! C'est du jamais vu ! On attendait 1,2 milliard d'euros de cette taxe, destiné à financer des travaux d'infrastructures, le maire de Carhaix le sait bien que ça ramènerait aussi des moyens pour permettre le désenclavement. Mais si nous annulions la mise en œuvre de cette écotaxe, ça nous coûterait à l'argent public 800 millions d'euros ! 1,2 milliard de recettes en moins, et 800 millions d'amende en quelque sorte !"
Vous pensez qu'elle va vraiment se faire, cette écotaxe ?
"Je pense qu'il faut réfléchir à un dispositif qui intègre désormais les préoccupations des bretons, qui sont légitimes, l'avenir de leur région, et la nécessité de financer des travaux d'infrastructure.Tout élu, tout dirigeant économique, tout breton le sait : il y a des besoins en infrastructure en Bretagne considérables, ça dépendra beaucoup de l'Etat Français, de sa capacité à mettre en œuvre ces investissements-là. Mieux vaut dialoguer que jouer la Bretagne contre Paris : chacun sait, bonnet rouge ou pas, que ça n'est jamais ainsi qu'on y est arrivé !"
A propos des deux journalistes de RFI tués ce week-end. Pensez-vous qu'il y a un lien entre la libération des otages d'Arlit et cet enlèvement suivi d'une exécution ?
"Je n'ai aucune information qui puisse me permettre de dire une chose pareille. Mais que l'on réfléchisse au lien potentiel me parait légitime, de la part de vous journalistes ou des citoyens Français... Nous sommes engagés dans un combat long, combattre le terrorisme, nous savions que ce serait difficile. Nous avons enregistré une première victoire au Mali : rétablir un Etat démocratique, qui fait des élections normalement et en même dans des déserts, des zones où il est facile de circuler notamment pour des terroristes en pick-up, malgré les moyens de la technologie militaire, nous savions qu'il était difficile de mettre fin définitivement au terrorisme en un an, un an et demi. Ce combat-là, le Président a souhaité l'engager, nous avons enregistré des victoires, et en même temps, quand deux de nos compatriotes sont exécutés de cette manière-là, deux journalistes qui font leur travail, il y a un double symbole."
"Evidemment la France est atteinte, mais aussi celles et ceux qui informent qui ont été ciblés par ces hommes qui ont décidé froidement de les exécuter."
Certaines voix font état d'un différend entre groupes armés au sujet d'une rançon... Ça vous a traversé l'esprit ?
"Attendez... Il y a certaines voix, ça parle beaucoup... On écrit ce qu'on pense... La responsabilité du gouvernement dans des affaires comme celles-là n'est pas forcément de parler, c'est essayer de chercher les responsables, les punir, faire en sorte de sécuriser, de pacifier durablement cette zone si près de la France, si près de l'Europe, dont la déstabilisation impacterait forcément notre propre sécurité sur notre continent. Ce qui est fait aujourd'hui par l'armée française au Mali et dans cette zone, c'est assurer le premier bouclier contre les menaces terroristes qui pourraient frapper le contient et l'hexagone."
Votre projet de loi sur l'économie sociale et solidaire entame son parcours cette semaine. D'ici mars, vos deux gros projets de loi auront été votés. Ensuite, vous vous voyez encore au gouvernement ? On parle beaucoup de remaniement...
"Ce qui vous intéresse, ce n'est pas mon projet de loi, c'est si je pars ! On parle beaucoup, mais je pense que ce matin sur Europe 1 on imagine assez mal que le ministre délégué à l'économie sociale et solidaire, dont le projet de loi va être discuté cette semaine, parle de remaniement au moment où il aimerait bien au moins aller jusqu'à la fin de l'examen au Sénat..."
Cécile Duflot la semaine dernière sur Europe 1 a laissé entendre que la question de la présence des Verts au gouvernement pouvait se poser...
"Cécile, c'est Cécile ! Ce sont les verts, et évidemment la question doit se poser, surtout qu'ils sont au moment d'un congrès. Ma conviction, c'est : plus on gouvernera rassemblé, plus on aura de chances de réussir. Si nous devions échouer, nous préparerions l'arrivée au pouvoir de thèses qui sont dangereuses, pas simplement pour l'économie, l'emploi, mais pour l'équilibre de la République. Je le dis aux électeurs de gauche : vous pouvez être déçus, mécontents, mais ce qui va se jouer aux municipales, c'est bien plus qu'une élection où l'on sanctionne un gouvernement, où l'on dit son mécontentement. Il y a aussi à se relever contre le péril qui monte, le péril de l'intolérance, des discours de plus en plus ouvertement racistes dans l'espace public, et de celles et ceux qui se bouchent les oreilles, ou jouent la politique de l'autruche, ou assument parfaitement cette montée dans l'intolérance dans le débat public. Il y a aussi la République à défendre à l'occasion des municipales, des européennes, comme de toutes les élections. Les électeurs de gauche savent de quoi je parle, la République c'est leur patrimoine à eux."