9:50
  • Copié
SAISON 2013 - 2014, modifié à

"La Justice doit faire appliquer ses décisions et ses lois sur internet car aujourd'hui, on ne peut plus se réfugier derrière l'anonymat de la toile", affirme Fleur Pellerin.

Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l'Innovation, et de l'Economie numérique

Voici ses déclarations :

 

Bonjour Fleur Pellerin : d'abord un mot sur la polémique Dieudonné. On ne va pas revenir sur le fond qui a été abondamment commenté. Mais la ministre de l'économie numérique que vous êtes ne s'inquiète-t-elle pas des réactions pleines de haine parfois très violentes et très nombreuses sur les réseaux sociaux ?

"Le gouvernement n'a pas attendu cette affaire il est vrai symptomatique pour s'intéresser à cette question. Il y avait déjà eu un certain nombre de difficultés rencontrées précédemment par des associations de lutte contre le racisme ou d'antisémitisme pour faire exécuter des décisions de justice par les réseaux sociaux après des épisodes de déversements de haine ou d'incitation à la haine raciale. C'est une vraie question et je pense que la justice a les moyens de faire exécuter les décisions. C'est ce que la justice à l'occasion de faire dans le cas de Dieudonné."

Est-ce qu'on peut faire condamner quelqu'un qui délivre une insulte anonyme sur Twitter ?

"Absolument. Il faut que les gens le sachent. On ne peut plus se réfugier derrière l'anonymat, même s'il est garanti sur internet. Dès lors qu'une infraction est commise (propos racistes, antisémites, d'incitation à la haine raciale), on peut porter plainte, une association, un individu peut porter la plainte contre la personne qui s'est rendue coupable de ces propos et demander son identité au réseau social, qui est obligé de le donner."

Ça a débouché sur des condamnations, jusqu'à présent ?

"Absolument. La justice a les moyens de faire exécuter ces décisions."

Ce soir, François Hollande présente ses vœux aux Français sans pouvoir annoncer l'inversion réelle de la courbe du chômage et un dossier s'invite dans l'actualité sociale : c'est celui d'LFoundry, cette PME d'Aix-en-Provence en liquidation judiciaire. 450 licenciements, 150 départs volontaires : votre ministre de tutelle Arnaud Montebourg a obtenu un délai de 3 mois pour trouver un repreneur. Est-ce que ce matin, vous pouvez d'ores et déjà annoncer une bonne nouvelle aux salariés qui sont dans l'attente ?

"Non. Effectivement, Arnaud Montebourg a annoncé ce délai de 3 mois pour trouver une solution de reprise pour cette entreprise, qui était dépendante d'un seul client, en réalité. C'est ce qui a causé ces difficultés. Ce client a cessé de vouloir commander auprès de cette entreprise. Aujourd'hui, il faut trouver un moyen de remplir le carnet de commande et d'assurer la pérennité de l'outil de production d'LFoundry. Arnaud Montebourg a obtenu cette semaine d'avoir trois mois pour mobiliser un certain nombre d'acteurs et de solutions pérennes,  Michel Sapin a aussi mis à disposition de tous les salariés des solutions pour que tout le monde puisse retrouver très rapidement un emploi."

Ils sont très en colère, les salariés d'LFoundry. Ils manifestaient hier devant le consulat d'Allemagne à Marseille. Ils accusent le patron allemand d'avoir vidé les caisses de l'entreprise, pour un montant de 20 millions. Avez-vous envisagé d'ouvrir une enquête sur ce sujet-là ?

"Il reviendra aux personnes en charge de ce dossier d'apprécier s'il y a eu un comportement irrégulier de la part des actionnaires ou non. Je ne peux pas vous le dire a priori. C'est vrai qu'il y a des difficultés de trésorerie, c'est bien la raison pour laquelle le gouvernement met tout en œuvre pour trouver des solutions et pour financer cette période de transition de trois mois, parce qu'il faut utiliser la trésorerie de l'entreprise et mobiliser toutes les ressources en œuvre pour financer cette transition."

A votre connaissance, il n'y a pas eu de malversation dans ce dossier ?

"Pas à ma connaissance, mais s'il y a soupçon de malversation et que quelqu'un se porte partie civile pour porter une enquête, il faudra que quelqu'un examine le fond de l'affaire."

On le voit avec LFoundry, le pari de l'inversion de l'affaire est vécu comme une provocation par tous ceux qui sont touchés de près ou de loin par le chômage. François Hollande doit-il, dans ses vœux, ce soir, réitérer son engagement ?

"Ça n'a rien à voir avec une provocation. Depuis 18 mois, ce gouvernement et le président de la République ont fait de la lutte contre le chômage et particulièrement du chômage des jeunes leur priorité. Après, on peut discuter : y a-t-il une inversion ? Est-ce qu'elle est réelle, est-ce qu'elle est absolue etc. ? Moi ce que je constate, c'est qu'au début de l'année, on avait une progression du chômage de 30 000 par mois en plus au premier trimestre, puis d'une dizaine de milliers et maintenant, on est plutôt à la baisse. Quand vous êtes à 130 à l'heure sur l'autoroute et que vous voulez passer en marche arrière, il faut d'abord décélérer. Pour le chômage, c'est la même chose. Il faut d'abord passer par des périodes de hausses ralenties et puis après, lorsqu'on pourra utiliser tous les instruments qu'on a mis en place depuis 18 mois, quand le crédit compétitivité emploi commencera à produire ses effets, quand les dispositifs mis en place par Michel Sapin pourront produire leurs effets à plein, nous verrons se confirmer cette baisse du chômage. Le président de la République l'a dit : elle est aujourd'hui insuffisante. Mais ce n'est pas pour autant que c'est un échec et qu'il ne faut pas poursuivre l'effort. C'est ce que nous faisons de manière constante."

Et vous y croyez ?

"J'y crois. Surtout parce que je suis la ministre des PME, qui sont très créatrices d'emplois. Elles créent 85% des nouveaux emplois, nets, d'après une étude de l'UE sur la période 2002-2010. Notamment dans les nouvelles technologies, il y a beaucoup de création d'emplois. Je vois tous les jours des PME qui affichent de beaux taux de croissance et qui ont des perspectives d'embauches."

Fleur Pellerin, le dossier qui a animé le mois de décembre et qui est entre vos mains, c'est la 4G pour le téléphone mobile, avec une surenchère pour les opérateurs. C'est une technologie d'avenir, mais n'est-ce pas surtout une guerre marketing, commerciale, pour vendre toujours plus d'abonnements et de téléphones ?

"Non. La 4G est une vraie belle technologie, je ne sais si vous avez eu l'occasion de la tester..."

Pas encore, non.

"C'est vraiment une technologie qui permet, quand vous êtes un gros consommateur de données, notamment de vidéos, de photos, de musiques, de télécharger beaucoup plus rapidement tous ces flux, et ça vous donne un confort d'utilisation qui est bien meilleur. C'est vrai qu'il y a un peu de concurrence, mais c'est un marché à 4 acteurs, 4 opérateurs, donc c'est bien légitime. Et puis c'est vrai que la période de Noël est faste pour l'acquisition de nouveaux clients, de nouveaux abonnements."

C'est pas du marketing, ça ?

"Bien sûr qu'il y a du marketing."

Trop ?

"Ce n'est pas du marketing qui ne reflète pas une réalité. Cette nouvelle technologie est une bonne technologie, qui apporte une différence dans l'expérience des utilisateurs. Oui, bien sûr, il y a du marketing, mais c'est une belle technologie."

On assiste à une incroyable guerre des tarifs avec, ces jours-ci, des abonnements à 15 € par mois pour la 4G contre 20 il y a quelques semaines pour des offres qui comprenaient "seulement" la 3G. Comprenez-vous les consommateurs qui ont le sentiment d'être pris pour des pigeons ?

"Je pense qu'ils ne sont pas pris pour des pigeons."

Ils ont le sentiment. Et ils le disent.

"Je m'en suis préoccupée avec Benoît Hamon dès que les offres 4G ont été annoncées. Ce qui est important, c'est que les consommateurs puissent s'y retrouver lorsqu'ils lisent une offre d'abonnement, comprendre le débit qui leur est proposé, la durée, comprendre la couverture du réseau proposé par l'opérateur. Il y a un ensemble de choses qui vont déterminer la qualité de votre abonnement et le rapport qualité/prix. C'est là-dessus que nous sommes intransigeants, pour faire en sorte que les opérateurs aient une obligation de loyauté dans l'information qu'ils délivrent aux consommateurs."

Est-ce que justement, vous demandez ce matin qu'en 2014, les opérateurs soient plus clairs, plus loyaux vis-à-vis des consommateurs ?

"Nous avons déjà commencé à le faire avec Benoît Hamon sur l'internet fixe. Par exemple, nous demandons aux opérateurs de donner les vrais débits, pas ceux qui sont constatés en laboratoire et qui sont relayés sur les prospectus dans les boîtes aux lettres mais le vrai débit que vous aurez chez vous. Parce que vous serez bien avancés de savoir qu'en laboratoire, le débit proposé est de 100 gigas, etc. Donc, il faut donner la bonne information pertinente aux consommateurs et c'est cela qu'on a va demander aux opérateurs."

Ce matin, vous allez visiter un centre SFR à quelques heures du boum des SMS de bonne année. Est-ce que déjà, dans les prévisions, on va avoir le record des années précédentes, de 1 milliard je crois ?

"Les prévisions tournent autour de un milliard avec des pics, selon les opérateurs, de 35 000 ou 40 000 SMS par secondes. C'est considérable, et c'est vrai qu'il faut que les réseaux soient bien résistants pour supporter cela. On aura beaucoup plus de MMS cette année, c'est-à-dire d'envois d'images par SMS ou des petites vidéos. Donc oui, je pense qu'il va encore y avoir des pics atteints, cette année."

Qu'est-ce que vous allez lui envoyer comme SMS au président, ce soir ?

"Peut-être un petit Vine. Vous savez ce que c'est, un Vine ?"

Racontez donc aux auditeurs.

"Une petite vidéo de 10 secondes."

Et ce sera quoi, la vidéo ?

"Une vidéo de... je sais pas. Je vais réfléchir dans la journée."

Pour lui souhaiter du courage pour 2014 ?

"Non, de la constance et de continuer cette action courageuse."

Dernière question, Fleur Pellerin : vous êtes la seule ministre du gouvernement à ne pas être élue et à ne l'avoir jamais été. Est-ce que le temps est venu pour vous engager sur le terrain, devant les électeurs ?

"Je crois que le temps est surtout venu pour moi de continuer ce que je mène depuis 18 mois. Je crois que j'ai déjà beaucoup à faire avec mon portefeuille ministérielle. C'est vrai que le combat politique, l'élection au suffrage universel, est un moment très beau dans une carrière politique."

 

Est-ce que ça vous manque ?

"C'est important. Ça ne me manque pas, je ne pense pas qu'il soit indispensable, pour être un bon ministre, d'être élu, mais je crois que ça fait partie d'une carrière politique et c'est quelque chose que j'ai dans la tête."