"Investir plusieurs milliards sur les grands programmes technologiques"

  • Copié
SAISON 2012 - 2013, modifié à

Arnaud Montebourg envisage une trentaine de plans industriels afin de relancer la croissance.

 

Les principales déclarations d'Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif:

 

A propos du rapport Queyranne. 3 milliards d'euros à récupérer...

"Ce n'est pas qu'une approche financière ou budgétaire même si nous avons besoin de faire des économies et de limiter, diminuer les dépenses publiques. Parce que tout ce qu'on n'économise pas, il faudra le prendre en impôts, donc c'est épargner la sueur de nos contribuables..."

Donc 3 milliards, c'est bon...

"En tout cas, c'est un format ambitieux et, ce qui est intéressant dans le rapport de M. Queyranne, (...) c'est qu'il pense qu'il y a des aides qu'il faut conforter, qui sont insuffisantes. Il y a donc des aides performantes et d'autres pas : ils ont fait le tri."

Ils disent qu'il faut augmenter le taux réduit du gazole pour les BTP, les agriculteurs, les routiers et les taxis... Vous êtes prêts à le décider ?

"On va en discuter avec les professionnels, déjà ! Il y a taxi et taxi ! Ceux qui sont en difficulté et donc ce sera une perte de revenus qui risque d'être fatale, et pour d'autres, les grandes compagnies, je ne pense pas que ce soit nécessaire... On peut peut-être moduler. L'approche du rapport et des rapporteurs, ce n'est pas le rabot, couper des têtes... C'est une modulation : c'est assez intelligent comme proposition et ils arrivent quand même à 3 milliards en étant intelligents et en respectant l'économie !"

 

Queyranne propose aussi de revoir à la baisse les aides avantageuses accordées aux débitants de tabac...

"Il constate qu'il y a plus d'argent mis pour aider les débitants de tabac, une profession, de gros débitants de tabac s'en sortent très bien, dont les revenus ont augmenté dans des proportions importantes ces dernières années, et d'autres en milieu rural qui sont en difficulté... Il propose une modulation. On met plus d'argent sur les débitants de tabac que sur les pôles de compétitivité industrielle et d'innovation technologique !"

Ce n'est pas normal...

"C'est ce qu'ils disent."

 

Le rapport évoque des coûts de gestion énormes. 15.000 personnes payées par le contribuable pour soutenir des entreprises, pour 700 millions d'euros...

"C'est exact, il y a 110 agences de développement sur le territoire qui se battent pour accueillir les investissements. Quand j'étais président du département Saône-et-Loire, il y en avait 7 : j'ai supprimé les subventions car elles n'arrivaient pas à fusionner et se mettre d'accord. Donc il y a quand même un travail à faire sur le territoire pour réduire..."

 

Vous dites que vous allez récupérer au moins 2 milliards...

"Nous sommes sur une approche très courageuse et ambitieuse : la baisse de la dépense publique est un objectif partagé par les Français et le gouvernement."

3 milliards, 2 milliards...

"Le plus possible !"

Vous allez présider une table ronde sur les emplois du futur et les relais de croissance. Quels exemples ?

"Nous sommes en train de préparer une trentaine de plans industriels, comme à la grande époque du Pompidolisme, du Gaullisme, du Mitterrandisme... Lorsque les Présidents de la République ont engagé la Nation, leurs ressources, leurs hommes, leurs technologies, leurs idées, autour de grands plans industriels. C'est grâce à eux que nous avons encore des secteurs leaders mondiaux... On n'aurait pas Airbus si Airbus n'avait pas fait l'objet d'un programme politiquement soutenu pendant 30 ans..."

Un exemple ?

"La voiture sans chauffeur ! C'est un objectif technologique : des voitures qui fonctionnent sans conducteur, ce qui permet de gagner du temps..."

Il y avait les avions sans chauffeur...

"Ah non ! Les métros sans chauffeur ! Pas de voiture ni d'avion, ce sont des drones, et pas de passager dans ces cas-là, c'est préférable... Nous avons des objectifs technologiques : vous connaissez le véhicule 2 litres, le TGV du futur qui va transporter pour moins d'énergie beaucoup plus de passagers, nous avons un programme imaginé dans les drones, les dirigeables..."

"Les drones civils, d'observation, d'analyse... C'est une sorte de prélèvement des informations et des renseignements sur le sol dans des usages, la santé, l'agriculture..."

Les dirigeables, c'est pour nous faire rêver, on est dans Jules Verne...

"Non, parce que beaucoup de pays sont en train de réinvestir dans le transport à hydrogène, à très haute altitude, la surveillance militaire dans un cas, et pour le civil le transport de fret jusqu'à plusieurs centaines de tonnes, ce qui est assez impressionnant."

Comment les financer ? Pas seulement avec la BPI est paralysée par ses querelles internes... Et sur les 13 membres du conseil d'administration, combien d'énarques ?

 

"La BPI est ce qu'elle est, elle n'est pas paralysée dans son fonctionnement..."

 

11 énarques sur 13...

"On peut faire la chasse aux énarques, on n'en est pas encore là. Nous avons une BPI qui n'est pas chargée de financer les grands programmes technologiques, ça c'est plutôt le Grand Emprunt. Nous avons redéployé des sommes du Grand Emprunt car c'est un programme très utile et nous souhaitons l'étendre. Avec cet argent, et y compris de l'argent privé, européen, nous souhaitons mobiliser plusieurs milliards sur les grands programmes technologiques. Il y a des emplois à la clé. Par exemple, savez-vous que, l'an dernier, dans l'aéronautique, il y a eu 13.000 embauches ? Et il y a aujourd'hui dans ce secteur des emplois non pourvus..."

Avec Michel Sapin, vous allez essayer je suppose de trouver qui recruter pour les secteurs en demande...

"Vous avez des secteurs en baisse comme l'automobile, parce qu'il y a des chutes de marché de -15%, -20%, et des secteurs en hausse comme l'aéronautique. Nous voudrions faire passer, aider les salariés, sans drame, et en anticipant, de l'un à l'autre."

 

Votre slogan à la mode : relocaliser. Est-ce qu'ils reviennent ?

"Oui, de grandes marques familières des Français : Atol, Smoby, L'Oréal, Mecano, Kindy, Eminence, qui relocalisent en France. Nous avons décidé de mettre un coup d'accélérateur : à partir de l'expérience qu'ils font la démonstration que c'est possible ! En recalculant leurs coûts de production, les salaires en Chine augmentent de 20%, les prix de l'énergie et du transport explosent, ils s'aperçoivent que la France est attractive."

A condition de trouver une énergie pas chère en France... Donc ne pas fermer les centrales nucléaires ou travailler dans le gaz de schiste...

"Le débat sur la transition énergétique a pour l'un de ses objectifs d'éviter les augmentations des prix pour les industriels. Je veux juste dire que la France est la première destination des projets industriels européens, des projets en recherche développement en Europe, des investissements américains en Europe. On peut toujours taper sur notre pays mais n'empêche que nous avons des atouts indestructibles, nous voulons les amplifier."

 

Vous avez appelé à démondialiser, à relocaliser : deux mots différents pour la même chose...

"C'est exactement ça ! Je vous remercie de noter que je suis fidèle à mes convictions, à mes engagements personnels. Un gouvernement qui est aujourd'hui volontariste, d'esprit colbertiste, qui décide de défendre sa base industrielle en faisant l'alliance des forces productives, travailleurs, ingénieurs, créateurs, entrepreneurs, est capable aujourd'hui de relocaliser de la matière productive et industrielle..."

Vous faites moins de promesses, moins d'éclats, comme si vous étiez devenu prudent avec la réalité... Ce n'est pas une attaque...

"J'ai compris, c'est juste une allusion un peu désagréable mais je la prends agréablement. Je veux juste dire que je ne fais pas de promesses : défendre la base industrielle France est une lutte, tous les Français sont concernés, c'est une cause nationale, nous devons nous unir pour réussir. Qu'est-ce que nous faisons ? Nous rapprochons, avec la montée du Made in France dans la tête des producteurs et des consommateurs, nous réconcilions en quelque sorte les consommateurs avec ces producteurs : au supermarché, tous les Français ont envie d'avoir des PME qui embauchent leurs enfants, ils veulent protéger les niveaux de salaire et de protection sociale."

Peut-on arriver à un compromis avec la Chine, sans déclarer une guerre coûteuse pour les vins, les produits industriels...

"D'abord, on constate que la Chine est protectionniste ! Il est normal qu'on le soit vis à vis d'elle, ça s'appelle la réciprocité. Ce que vous me faites, je le fais, après on négocie. Je remercie l'UE d'avoir commencé à bouger, nous avons obtenu 4 procédures de protection de nos intérêts industriels : la porcelaine, la céramique, nos aciers spéciaux, les équipements télécom, une enquête est en cours, les panneaux photovoltaïques. Ca bouge, tant mieux, je l'ai dit aux commissaires concernés !"

"Mais ça ne suffit pas : l'Europe est ouverte à 99,3%, le reste du monde est fermé à, j'allais dire, 50% au minimum. Nous sommes quand même la passoire dans la mondialisation aujourd'hui !"

L'industrie automobile va mal : comment aider les constructeurs français ?

"Nous les aidons tous les jours ! Nous avons une stratégie de soutien à nos constructeurs, Renault ou PSA, une stratégie de mutation technologique dans le cadre du plan automobile. S'il y a aujourd'hui une chute du marché automobile, c'est à cause de la baisse du pouvoir d'achat des tous les européens."

Vous pourriez remettre du capital...

"Nous n'en sommes pas là et ça n'a pas été demandé. Une chose est sûre : nous avons déjà mis 7 milliards pour garantir la banque qui permet de faire du crédit à la consommation aux acheteurs d'automobiles PSA Peugeot Citroën, c'est déjà pas mal !"

Le remaniement s'éloigne, dit Le Figaro... Ne peut-on pas dire aux ministres : c'est quand la menace s'éloigne que le péril grandit ?

"D'abord, ce n'est pas un péril, et deuxièmement le sujet du remaniement n'est pas un sujet qui intéresse les Français. Ce qui intéresse les Français, c'est qu'on ait des résultats. Je vous renvoie aux résultats des élections de dimanche dernier..."

Il faut faire gaffe...

"Je crois, oui."

Les émissions précédentes