Jean-Louis Beffa dresse la liste des erreurs de la Présidence qui ont conduit à ce ras-le-bol fiscal généralisé.
Jean-Louis Beffa, président d’honneur de la Compagnie de Saint-Gobain, co-président du Centre Cournot pour la recherche en économie et auteur de « La France doit agir » (Ed. Seuil)
Ses principales déclarations :
Vous êtes un visiteur du soir de François Hollande. Que lui dites-vous : il doit agir ?
« Je voudrais expliquer pourquoi on se retrouve dans cette situation du ras le bol fiscal presque généralisé, qui est un des problèmes les plus importants de la France. En septembre 2012, François Hollande et Angela Merkel passent un accord, qui est de laisser le président de la BCE donner de l'argent pour sauver l’euro, en échange d’une réduction des déficits à 3%. Je pense que c'est une erreur fondamentale. Il fallait peut être dire oui, mais dès le départ, il fallait savoir que ces 3% n'étaient atteignables sans drame que dans un délai de 5 ans.C'est la première erreur de François Hollande, poussé par des analyses erronées et technocratiques de la direction du Trésor, qui, à Bercy, a une volonté de serrer les boulons. »
La première urgence aujourd'hui, c'est de faire voler en éclat ce pacte qui nous oblige à avoir 3% de déficit ?
« Il a été allégé, il faut aller encore plus loin. Il faut donner du temps au temps. On a fait une erreur d'analyse macroéconomique. On a sous-estimé les conséquences de ces hausses d'impôts dans la diminution de la consommation. Je pense qu'il y a eu une deuxième erreur technocratique de la part du service de la législation fiscale, qui sort des taxes qui laissent les gens abasourdis. »
Que vous dit François Hollande?
« J'essaie de le convaincre de renverser la vapeur. Il y a eu un dysfonctionnement du politique, on s'est laissé entraîner par des technocrates. Même des économistes universitaires, comme Daniel Cohen, avaient annoncé qu'il ne fallait pas aller dans cette voie là. Il faut accepter de ne pas aller trop vite, il faut arrêter ce matraquage fiscal, et il faut redonner confiance aux entrepreneurs. La première chose à apprendre aux Français, c'est qu'on ne paiera pas des fonctionnaires et des retraités s'il n'y a pas de création de richesses dans les entreprises, et pour avoir cette création de richesses, il faut des entrepreneurs. »
Mais est-ce que François Hollande vous écoute?
« Dans mon livre, j'indique la méthode de François Hollande : il est un mélange de Deng Xiaoping et du Pape François. C'est à dire que je pense qu'Hollande est dans un schéma dont il va devoir sortir. C'est ce que je lui dis, qu'il va devoir aller au-delà. »
Mais que vous répond-il?
« Le président ne répond jamais, comme le Pape François : il vous écoute beaucoup, mais il ne vous dit jamais ce qu'il croit au fond des choses. Personne à mon sens ne pourra vous dire ce que pense exactement le président Hollande. Mais je crois que maintenant il a bien conscience qu'il a fait une première année où il fallait payer les bêtises dites au cours de l'élection. Il a fait une deuxième année qui pour certaines choses sont allées dans le bon sens, notamment l'accord pour discuter des problèmes sociaux sur le terrain entre syndicats et patronat. Maintenant il faut la troisième année. »
Le gouvernement a reculé sur l'écotaxe, sur la taxation de l'épargne... N'est ce pas le symptôme DES gouvernements français, le manque de courage?
« Ce n'est pas une exclusivité de François Hollande. Nousavons depuis des années différé les mesures difficiles à prendre, et qui ne sont pas tellement dramatiques, puisqu’elles ont été prises par les Scandinaves, par les Suisses, par les Allemands. »
Ce manque de courage, concernant la taxe à 75%, on sait que François Hollande va recevoir tout à l’heure les patrons des clubs de foot. Vous avez toujours été contre cette taxe à 75% sur les revenus supérieurs à 1 million d'euros. Faut-il reculer ?
« Non, ça suffit, il ne faut pas reculer ! Je ne vais pas pleurer sur les patrons des clubs de foot. Par conséquent, cette taxe, il faut la faire, elle est bête, on la fait pendant 2 ans, puis on l'oublie. »
Mais on pleure sur les patrons qui gagnent 5, 10 millions d'euros par an?
« Je ne crois pas qu'il y ait tellement de grands patrons qui gagnent 5, 10 millions. S'ils les gagnent, ils ne les gagnent pas en France. »
Vous appelez également à une recomposition politique, dans votre livre, avec notamment un rapprochement de la gauche et de la droite. Vous voulez une clarification de l'échiquier politique. Vous n'êtes pas un peu rêveur ?
« Justement, ce chapitre s'appelle "Rêvons". Mais la gravité de la situation en France nécessiterait une véritable alliance de la droite de la gauche et de la gauche de la droite. Mais je n'y crois pas! »
Est ce que vous pourriez être ministre dans un gouvernement resserré, un gouvernement de reconquête?
« Certainement pas ! Simplement parce que les gens de la société civile sont de très mauvais ministres. Ils ne connaissent pas les règles politiques du milieu. Chacun dans son rôle ! Je ne suis pas certain que les hommes politiques peuvent être de bons chefs d'entreprises. Je suis sûr que les chefs d'entreprises ne sont pas de bons ministres. »