"Les gens sont à bout et on est là à un moment très difficile de notre société", s'inquiète Monseigneur Pontier.
Monseigneur Georges Pontier, président de la Conférence des Evêques de France et archevêque de Marseille
Ses principales déclarations :
Que pensez-vous de cette France en colère, des bretons prêts à mettre le feu ? Vous les comprenez ?
"Ce que je remarque sur le terrain, c'est beaucoup de souffrance, de peur par rapport à l'avenir, une situation qui a fragilisé ce tissu social qui exprime aujourd'hui sa grande inquiétude avec le risque de voir se développer dans notre pays des mouvements radicaux."
"Il est évident que violence et destruction ne peuvent être le moyen habituel d'expression : en démocratie, c'est le dialogue, la recherche de solutions. Mais quand on est arrivé à un ras le bol aussi fort, c'est le signe que les gens sont à bout, que nous sommes dans un moment difficile de notre vie en société."
Vous trouvez que les politiques entendent ces gens à bout ? Le gouvernement fait ce qu'il a à faire ?
"Je ne peux pas m'exprimer là-dessus, ce n'est pas ma compétence ! Ce que je peux dire, c'est que depuis plusieurs décennies le fossé se creuse entre les plus riches et les plus pauvres, un jour ou l'autre ça finit par exploser. Nous avons des bombes à retardement posées il y a plusieurs années. Il faut un système économique beaucoup plus juste, où le partage est beaucoup plus équilibré. C'est possible : beaucoup s'y emploient, je crois que c'est la seule solution. Sinon nous allons vers des oppositions de groupes humains dans une même société, et la violence apparaîtra alors très fortement."
A quoi se raccrocher aujourd'hui ?
"A la solidarité, au respect de l'autre, au bien commun et pas seulement à la recherche du bien individuel. Ces fossés qui se creusent sont le signe d'un individualisme trop fort, on n'a plus le souci, le regard vers les plus pauvres."
Vous êtes réputé pour aller dans les quartiers Nord de Marseille. Qu'y voyez-vous ?
"A la fois de très belles choses et des choses très dures ! Personne n'est seul dans ces quartiers, on se soutient, on se serre les coudes, mais il y a 40% de chômage, des gens qui ne savent plus où ils en sont, des femmes seules, des familles éclatées, des gens qui souffrent. Extrême souffrance et extrême générosité. Il y a une grande proximité entre eux, c'est beau. Mais ces gens se sentent abandonnés : l'habitat n'est pas entretenu, l'emploi est absent."
Vous n'avez pas envie de dire que c'est la faute des politiques ?
"Peut-être que c'est la faute des politiques, mais c'est peut-être bien plus grand que cela. Notre système économique privilégie un petit nombre, et a du mal à la répartition des richesses."
Ça se traduit par un repli communautaire dans certains de ses quartiers, vers l'islam ? Sans langue de bois...
"Sans langue de bois, il y a dans l'Islam des gens très bien et d'autres excessifs, qui cherchent le pouvoir à tout prix, la domination et font du tort à leur communauté. Mais il y a des gens merveilleux ! Nous n'avons qu'une solution : le dialogue ou se faire la guerre. Je préfère le dialogue. Je crois qu'il y a aujourd'hui dans cette communauté plus de recherche de dialogue que de combat ; c'est l'affaire d'un petit noyau numériquement faible mais idéologiquement fort !"
A propos des Roms. Votre prédécesseur était sévère à leur sujet, "La France n'a pas vocation à tous les accueillir", disait-il. Vous êtes sur la même ligne ?
"Quand on dit "La France n'a pas vocation à tous les accueillir", on prend le problème au niveau politique global. Quand on a affaire à des gens qui vivent dans sa rue, il faut s'occuper de l'aujourd'hui : s'occuper de ces personnes, les accueillir de la manière la plus humaine possible. On voit qu'une confiance se créée quand on prend les moyens minimum pour aider à une vie moins déshumanisante. Il y a de belles réussites."
Leonarda doit rentrer en France avec sa famille ?
"Je n'ai rien à en dire. Je ne la connais pas personnellement, je ne veux pas rentrer dans un dialogue politicien."
La France devient un pays raciste ?
"Quand on n'a pas de vision d'avenir, quand on ne sait pas où va la société, le sort de nos enfants, on est pris par des peurs, et l'on cherche des coupables, à commencer par les étrangers. Pourtant on sait bien que nos sociétés ont besoin des étrangers, de ce brassage : on sait qu'il ne cessera d'augmenter. Quand on tolère que des pays du Sud vivent un tel sort, il ne faut pas s'étonner qu'ils viennent chercher chez nous quelque chose d'un peu moins mauvais."