Serge Portelli, magistrat et président de chambre à la cour d'appel de Versailles, déplore les atteintes aux libertés publiques causées par l'état d'urgence.
Christiane Taubira et Bernard Cazeneuve font front commun contre le terrorisme. La ministre de la Justice et le ministre de l'Intérieur ont co-signé une tribune dans Le Monde, jeudi, où ils contestent que "le gouvernement procède à une mise à l'écart" du monde de la justice pour élaborer le projet de loi du gouvernement pour renforcer la lutte contre le terrorisme. Une vision loin d'être partagée par Serge Portelli, magistrat et président de chambre à la cour d'appel de Versailles, invité jeudi soir d'Europe 1. "C'est un petit peu l'état d'urgence permanent. On pérennise une situation qui est extrêmement grave pour les libertés. Les atteintes aux libertés sont très graves, et elles changent notre paysage politique", déplore-t-il.
"Pas au prix de n'importe quelle régression de nos libertés". "Ce projet de loi contribue à mettre une fois de plus à l'écart le pouvoir judiciaire. Je ne parle pas pour défendre mon pré carré. Ce qui m'intéresse c'est que la France vive en démocratie. Dans une démocratie, il y a un certain équilibre des pouvoirs, depuis Montesquieu c'est ce que j'ai appris", remarque Serge Portelli. Pour le magistrat, l'état d'urgence instaure un déséquilibre des pouvoirs, en défaveur du pouvoir judiciaire. "Depuis quelques semaines, les préfets ont des pouvoirs incroyables. Perquisitionner la nuit chez vous, être assigné à résidence, ce n'est pas rien", prend-il comme exemple.
"Je veux aussi qu'on se défende contre les terroristes, évidemment, mais pas au prix de n'importe quelle régression de nos libertés. Aujourd'hui, on vit dans une société où les pouvoirs qui sont indépendants, les juges, ont de moins en moins de pouvoirs au profit d'instances qui ne le sont pas. S'il n'y a plus cette équilibre, nous ne sommes plus en démocratie", s'inquiète Serge Portelli. "On a quand même des attentats en janvier, en novembre, et aujourd'hui (le 7 janvier). Et pourtant on a changé nos lois tous les ans. Quelle disposition législative aurait arrêté ce qui s'est passé aujourd'hui ? C'est idiot !", se scandalise le magistrat.