La presse quotidienne revient ce vendredi sur les débordements qui ont lieu en marge des manifestations contre la loi Travail.
Ce matin en Une de vos journaux la tension monte :
Le Télégramme : Des défilés… et des violences.
La Provence : Le dérapage.
Le Parisien : La loi de la violence.
Du côté de l’Humanité, la lecture est un peu différente : photos de CRS distribuant les coups de matraque : Le gouvernement perd son sang-froid.
Pendant ce temps, Les Echos s’intéressent à ces pays où l’on a décidé de ne pas laisser ruiner l’hôtellerie : les grandes villes déclarent la guerre à Airbnb.
Violences en marge des manifestations
On pourrait presque sourire devant les différents traitements de l’information par la presse ce matin. Le titre du Parisien : de la manifestation à la bataille rangée. Le Parisien qui nous décrit l’engrenage qui conduit de la contestation de la Loi Travail par une pétition sur internet jusqu’à la situation d’hier, trois heures de guérilla à Paris. Mais quand on ouvre L’Humanité, on ne trouve plus trace des trois policiers grièvement blessés. Un bravo et merci à la CGT pour sa mobilisation sur le régime des intermittents (rien à voir avec un achat de la paix sociale à un an de la présidentielle), et un titre : face aux matraques, des défilés à l’unité sans faille. Dans les éditoriaux de la presse régionale, c’est au contraire l’équilibre. "Les pavés, bouteilles et extincteurs lancés contre les policiers hier sont bien sûr le fait d’une minorité, répétons-le", écrit ainsi Christophe Bonnefoy dans le Journal de La Haute Marne qui ajoute même : "mais ces actes de l’extrême sont aussi une photographie du ressenti des Français, une impression de n’être pas écoutés". Car c’est bien l’image d’une France chauffée à blanc qui transparaît ce matin. Pas dans Libération qui feint de ne pas voir le problème et disserte sur l’horizontalité du mouvement Nuit Debout, sur la possibilité de maintenir le caractère démocratique d’un mouvement censé "renouer avec une vision conflictuelle de la démocratie où les idées s’affrontent en-dehors de ce consensus qui s’impose à nous pour notre bien supposé". Rien sur les violences, rien sur les commissions interdites aux Blancs au nom de l’anti-colonialisme. Tout va bien. Mais dans le monde réel, la tension monte.
Un pays malade
Il n’y a pas que la violence des casseurs. D’autres indices pointent ce matin. Ce sondage en Une du Figaro : l’image de l’Islam se dégrade en France et en Allemagne. Un sentiment, nous dit le journal, qui progresse fortement dans l’électorat de gauche. Ils étaient 39% des électeurs du parti socialiste à considérer en 2010 que la place de l’Islam était trop importante. Ils sont désormais 52%. Et l’on peut douter que la très longue interview de Manuel Valls dans Society suffise à apaiser cette colère diffuse. Peut-être justement parce que la réponse au malaise identitaire, aux inquiétudes sur la laïcité, ne s’articule à aucun moment, sur 6 pages d’interview, avec une pensée critique sur les dérives du capitalisme. Mais ce qu’il faut lire dans Society, c’est l’article sur le général Piquemal, dont le procès s’ouvre le 12 mai. Avec cette question : quand un général considéré par tous comme modéré, ouvert au débat, éprouve le besoin de participer à une manifestation anti-migrants à Calais au nom de la défense des valeurs de la France éternelle, s’agit-il de la dérive d’un homme ou bien faut-il s’intéresser à l’état d’esprit d’une armée française rongée par le sentiment de voir s’effondrer ce qu’elle est chargée de défendre ?
Le texte qui résume tout
Il est dans Les Echos. Le philosophe Roger-Pol Droit s’interroge sur le simple bon sens d’un pays "quand y voit s’assembler la nuit, ça et là, des groupes infimes de rêveurs autistes pour raconter des histoires à dormir debout, et la presse en frémir pendant que le pouvoir regarde ailleurs. S’y remarque aussi un apprenti condottiere croyant que dire "en marche" suffit pour marcher, la presse qui en frémit de nouveau et le pouvoir qui derechef regarde ailleurs". La France s’effrite, nous dit-il. "Le dictionnaire de Littré précise le vieux sens de ce verbe : s’épuiser, se stériliser. Autrefois, une terre s’effritait quand elle s’affaiblissait à force de cultures toujours identiques. Voilà qui convient : la France ploie sous les redites et répétitions, lasse de ressasser les mêmes rengaines, incapable pour l’instant de produire ni richesses nouvelles, ni idées fortes. Mais le sens moderne du verbe effriter colle également à la situation : le pays se délite, se fragmente. Pourtant, il fait plutôt bon vivre dans l’hexagone. Il existe quantités d’énergies, de désirs courageux. Mais ces éléments positifs demeurent éparpillés, émiettés. Ce qui manque, c’est une force de cohésion, une vision qui agrège et soude cette poussière de forces et de projets".
Une bonne nouvelle pour la nature
Ce n’est pas souvent et c’est dans Le Monde. Une information étonnante : la conséquence paradoxale du réchauffement climatique, c’est que les arbres ont plus de feuilles. Comme ils absorbent le CO2, ils développent davantage de verdure au fur et à mesure que la température grimpe. Malheureusement, cela ne compense pas la destruction des forêts primaires par l’agriculture intensive. Mais cet été, pendant la canicule, on pourra chercher un peu de fraîcheur en forêt sous l’ombre plus dense du feuillage.
Cerveau
Le magazine Society nous explique que la grande révolution scientifique à venir c’est celle-là : recréer un cerveau humain. Et la course est engagée entre les États-Unis, l’Europe et la Chine. Pour le projet européen, on a déjà un robot, certes stupide et dont le seul but est de se diriger vers la couleur rouge mais il agit grâce à des neurones. Cinq pour être précis. Le souci c’est que tout cela ne se fait pas que pour la beauté de la science. Le Human Brain Project américain est financé à parts égales par des entreprises privées, Google et autres et par une agence du département de la défense. Finalement, la bonne nouvelle c’est que les résultats ne sont pas pour demain. Dommage pour les casseurs qui auraient bien besoin d’une greffe de cerveau.
Le site Atlantico revient sur une déclaration de François Hollande devant un parterre d’écrivains auteurs de textes consacrés à des grands footballeurs. Et quel est son modèle ? Panenka, l’auteur du fameux pénalty au ralenti qui passe par-dessus la tête du gardien. "Parfois les mous peuvent atteindre la perfection". Il est certain que face à la dureté d’un pavé lancé sur un CRS, face aux haines qui montent, on peut se laisser aller à rêver de mollesse. Mais la Panenka, ce n’est pas de la mollesse, c’est de la subtilité, c’est de la précision, c’est un geste maîtrisé, volontairement retenu. C’est une vision, un projet. Le contresens sur un mot révèle toute une politique.