La presse quotidienne revient largement ce matin sur l'hommage aux victimes des attentats.
Ce matin en Une de vos journaux :
Il y a ceux qui mettent une liste de 130 noms. Libération, Le Parisien, L’Alsace.
Il y a ceux qui ont choisi le drapeau, immense, sur toute la Une : La Montagne : l’Hommage de la nation. La Provence : Ensemble. Le Figaro : L’Hommage de la France.
Et puis, le Figaro Magazine se demande, avec une Marianne en larmes : Comment en est-on arrivé là ?
Tandis que Le Monde dénonce déjà ce qui vient : Après les attentats, l’Europe se referme.
Et Marianne lance un défi : l’Union Nationale, chiche !
Drapeau
Elles sont partout, les trois couleurs, pour célébrer le peuple uni autour de ses morts. Mais dans les mots, on sent déjà poindre un débat entre les nouveaux adeptes du drapeau et ceux qui l’ont toujours assumé.
Dans Le Figaro, Alexis Brézet se réjouit du retour de ces vieux mots nation, patrie, qui naguère vous valaient de passer pour un butor cocardier et chauvin.
Dans L’Humanité, on sent un peu plus de gêne, la crainte de sombrer dans l’imagerie du patriotisme américain, et les vieilles querelles sur tous ces réactionnaires qui préféreraient le blanc au bleu et au rouge. Mais Patrick Apel-Muller cite tout de même Alexandre Dumas : "Et le drapeau, morbleu ! Il ne faut pas laisser un drapeau aux mains de l’ennemi, même quand ce drapeau ne serait qu’une serviette". Un bel écho à Etienne de la Boétie cité par Alexis Brézet : "Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux".
Et puis il y a Libération. En substance, brandir le drapeau aujourd’hui, c’est bien mais il ne faudrait surtout pas que ça donne raison à tous ceux qui le brandissaient avant et qui, eux, étaient dans le registre passéiste et fermé. A l’historien Nicolas Offenstadt, une journaliste pose donc la question : L’épisode actuel n’est-il pas l’occasion de rendre à chacun des symboles que la droite et l’extrême droite s’étaient accaparés ? Et l’historien lui-même met en garde contre ces symboles : Il faut toujours s’en méfier, nombre de concepts sont des concepts de combat : la République, la laïcité, la démocratie. En effet, ça mérite la méfiance.
Marianne publie d’ailleurs un sondage sur cette fameuse unité nationale évoquée çà et là. 74% des Français estimeraient justifié un gouvernement d’union nationale. Mais les choses se compliquent quand on ouvre la liste des personnalités que les Français voudraient voir entrer dans un tel gouvernement : en tête, Alain Juppé. Mais juste derrière, Marine Le Pen puis François Bayrou et Nicolas Hulot. Un peu plus loin, le juge Trévidic, Jean-Luc Mélenchon ou Jacques Attali.
Bref, l’union nationale n’est pas pour demain.
Hommage
Il y a l’hommage aux morts de ce vendredi 13 mais il y a aussi les autres morts du terrorisme.
Le Figaro les cite dans un petit article, évoquant la pâleur sépulcrale en mars 2012 d’une jeune femme de 20 ans au ventre arrondi et portant en terre le père de son enfant à venir, Abel Chennouf, militaire tué par Mohamed Merah. Et les autres encore, les enfants de l’école Ozar Hatorah, Clarissa, cette policière municipale tuée à Montrouge le 8 janvier… Et puis le journal consacre une page à ceux qu’on oublie, les blessés.
Le Parisien nous précise qu’ils sont encore 17 dans un état critique. Ceux-là et tous les autres, il leur faudra des années pour réapprendre à vivre. Loïc Liber, jeune parachutiste de 28 ans, tétraplégique depuis que son chemin a croisé celui de Mohamed Merah, Kol, cette jeune femme blessée, dans l’attentat de la rue de Rennes en septembre 1986 et qui décrit ce photographe de guerre sortant de la FNAC et la prenant en photo pendant qu’elle tend la main pour demander de l’aide, ces gens qui passent désolés, en lui disant "mon pauvre petit, on ne sait pas quoi faire pour vous".
Le magazine Society leur consacre aussi une enquête, les survivants des attentats de Madrid, comme Joëlle, interprète devenue traductrice à cause de son ouïe abimée, et qui raconte : "A une époque, je n’avais plus envie de vivre, je me demandais pourquoi moi j’étais vivante et pas mon voisin de siège".
Et puis ces petits riens, certaines odeurs devenues insupportables à en vomir, comme la chair brûlée. Tous ceux-là ont besoin de nous, de la nation.
Djihad
Le Figaro consacre un petit article à ces livres prônant le djihad et qui sont encore en vente libre dans les grandes enseignes parce que le djihad, ce n’est pas le terrorisme. Des livres appelant les vrais croyants à s’armer et à attaquer.
Et puis il faut lire la terrible enquête de Society sur la fabrique des kamikazes, comment on transforme des jeunes gens timides en fanatiques rêvant de mourir en martyr, pour racheter leur vie et celle de leurs proches mécréants, ou même convaincus d’être en état de légitime défense.
Yémen
Pendant ce temps, Les Echos nous racontent comment les Émirats Arabes Unis viennent d’engager des mercenaires pour poursuivre la guerre engagée avec l’Arabie Saoudite et le Qatar contre les milices chiites au Yémen. L’argent sert à ça. La population émiratie n’a pas l’intention de se battre. Ce sont donc 450 Colombiens qui vont poursuivre la destruction du Yémen.
Avion de Kadhafi
Vous ne le saviez pas, l’avion de Kadhafi, son Air Force One ultra luxueux, est à Perpignan. Le magazine M nous raconte l’histoire délirante de cet Airbus que se disputent aujourd’hui Air France, les Koweitiens et ce qu’il reste de l’Etat libyen. Pendant ce temps, l’appareil se dégrade lentement mais les créanciers l’évaluent toujours à 62 millions d’euros.
Society poursuit sa série de 100 bonnes raisons de… Cette semaine, 100 bonnes raisons de ne pas trop être pour la guerre quand même : parce que vous avez vraiment envie de voir Johnny Hallyday prendre les armes ? Parce qu’on sait très bien qu’ils ont des armes lourdes, c’est nous qui leur avons vendues. Parce qu’il y a déjà Emmanuel Macron pour régler le problème du chômage. Ou parce que le régime patate-pâte n’est pas gluten free. Parce qu’on le voit déjà arriver, le monument aux morts signé Jeff Koons, Place de la République, et ça c’est non. Et parce que certes, ils ont du pétrole mais nous on n’a toujours pas d’idées. C’est peut-être ça finalement le problème.