En plein débat sur la Loi de réforme du code du travail présenté par Myriam El Khomri, les 80 ans du front populaire font désordre...
En Une de vos journaux, un brin de lassitude.
- La Croix : La loi Travail a-t-elle encore un sens ?
- Le Parisien : Myriam El Khomri défend le projet : "faut il céder à la rue ? Non."
Mais il n’y a pas que la rue :
- L’ Humanité : La loi Travail promet des nuits debout de l’hémicycle.
- Pendant ce temps, le Figaro fulmine : à l’approche de 2017, Hollande multiplie les cadeaux.
- Et Libération s’indigne : Revenu des patrons : l’affront populaire.
- Quant à l’Opinion, il choisit le jour où Greenpeace dévoile des documents accablants pour nous vanter le traité de libre-échange : les 5 mensonges des anti Tafta... Mais non les multinationales ne sont pas aux manettes, puisqu’on nous le promet.
Loi El Khomri
En fait on n’en peut plus. Et c’est le dessin de Ranson dans le Parisien qui le raconte le mieux. Manuel Valls tenant le projet de loi dans les mains : "on ne va pas devoir le manger quand même ?". Et François Hollande qui répond la bouche pleine : "Ah non ! J’ai même pas encore fini le projet de déchéance de nationalité". Du coup, il est des événements historiques difficiles à commémorer.
"Voilà un anniversaire qui tombe mal, ou qui sonne faux pour la gauche, nous dit Bruno Dive dans Sud-Ouest. Celle-ci s’apprête à célébrer, en ordre forcément dispersé, les 80 ans du Front Populaire. Or, on ne saurait trouver pire contraste entre ces jours d’unité, de fêtes, de conquêtes sociales de 1936 et la période actuelle, caractérisée par les divisions, les affrontements de rues et une réforme qui, pour une partie de la gauche, est synonyme de régression sociale".
Bien sûr, dans le Figaro, on relativise le mythe. Les errances du parti communiste mettant sur le même plan la République et le fascisme, le refus de condamner les procès de Moscou, c’est aussi le Front populaire.
Mais il suffit de lire Laurent Joffrin dans Libération, qui tente de sauver les socialistes de 2016 au nom de ces choix contestés mais nécessaires entre l’idéal et le réel pour comprendre qu’on est très très loin, des conquêtes du 3 mai 1936.
Tolérance
Malgré tout, il y a des bonnes nouvelles et elles n’étonneront que ceux qui se persuadent que la France est un pays raciste. Le Monde par exemple, qui juge surprenant le résultat du nouveau baromètre de la commission consultative nationale des droits de l’homme : les Français, après cette année d’attentats, sont plus tolérants, moins enclins à accepter les discours racistes, malgré une augmentation des actes islamophobes. Le journal en conclut que les Français n’auraient jamais été aussi prêts à penser leur pays comme multiculturel. Mais peut-être qu’on peut être opposé au multiculturalisme, attaché à la laïcité, sans pour autant être raciste.
École
Multiculturalisme, relativisme culturel, c’est bien le message que fait passer cette réforme du collège que la ministre vante à travers un pompeux séminaire sur la refondation de l’école. Rien que la revue distribuée à l'entrée fait 60 pages, toutes en couleur, fait remarquer sur le site Figaro Vox le syndicaliste Jean Rémi Girard, un brin taquin. Au diable l’avarice. Sur Figaro Vox, le philosophe François-Xavier Bellamy est allé regarder les nouveaux manuels scolaires prenant en compte la dite réforme.
En maths, un sondage dans la classe sur les discriminations. En sciences, un problème sur la mort de Claude François dans sa baignoire. Il cite cette phrase qui ouvre un exercice, un message SMS dont il faut faire une lettre : "G1 truc a te dir jcroi kon devré fer 1 brek." ; "Je voudrais crier partout ma tristesse pour ces enfants qui ne trouveront à l'école que des ipads, des SMS et des anecdotes people - tout ce qu'ils connaissent déjà, bien mieux que nous, d'ailleurs, et ils nous trouveront bien ridicules de vouloir leur apprendre le "swag". Quand j'avais sept ou huit ans, mon grand-père m'a offert l'Anthologie de la poésie française, de Georges Pompidou, et il m'a dit: "Si tu veux être heureux dans la vie, il faut apprendre deux vers par jour." J'ai découvert une saveur de la vie que je ne soupçonnais pas, que le quotidien ne donne pas. Je n'ai pas tout compris bien sûr - pas tout entier, pas tout de suite... Mais c'était beau. Et ce qu'il y a de beau se dépose dans un cœur d'enfant pour l'enrichir. Mais qui aura encore la chance d'apprendre un peu de poésie maintenant que le sujet des manuels de littérature, c'est: "croi kon devré fer 1 brek..."
Bio dans les cantines
Il est des écoles où l’on continue à transmettre la poésie et d’autres où l’on apprend aux enfants à se nourrir. Libération nous raconte comment quelques communes résistantes fournissent leurs cantines entièrement en bio alors que les sénateurs ont rejeté un amendement proposant 40 % de produits locaux et 20 % de bio aux motifs que l’agriculture française ne pourrait pas fournir. Nourritures terrestres et nourritures intellectuelles sont tout autant nécessaires pour former des hommes libres.
Boléro
L’air va devenir lourd. Non, 20 minutes ne parle de pollution L’air en question, c’est le Boléro de Ravel, la musique la plus jouée au monde et qui risque de l’être encore plus puisqu’il va tomber dans le domaine public. Enfin, pas sûr. Le Figaro nous raconte une nouvelle action des ayant droits. Et quand on dit ayant droits, on trouve une société implantée à Monaco et une autre aux Pays Bas. Le Figaro ne résume même pas la rocambolesque succession de Maurice Ravel, mort sans enfant, et dont la fortune fut captée par la gouvernante de son frère, une histoire qu’on trouve encore sur le site du Point. Mais le Boléro n’a pas fini d’imposer son rythme trépidant.
Le magazine Néon nous offre une fois de plus ses promenades insolites. Une visite aux alcooliques anonymes, "Comment l’alcool remplit nos vies", un reportage, "J’ai passé 6 mois dans l’action française", et cette question : "écrans, news, buz, qui nous a volé notre concentration ?" Sinon dans l’immanquable liste des savoirs inutiles, il y a ce fait : la France a connu un léger pic de naissances 9 mois après l’enterrement de Victor Hugo. Un enterrement qui avait attiré un million de personnes et qui s’était fini en bacchanale joyeuse. D’où le pic de naissances. Un Front populaire avant l’heure.
Çà a un peu plus d’allure que "jcroi kon devré fer 1 brek."