Alain Decaux nous a quitté ce week-end. L'occasion pour Jérôme Ivanitchtenko de revenir sur l'incroyable carrière de cet homme passionnant.
Le fait média du jour, c’est la disparition d’Alain Decaux. L’historien, membre de l’Académie française, s’est éteint hier à l’âge de 90 ans. C’était aussi un homme de médias, à la radio comme à la télévision.
Un historien qui a joué un rôle majeur pour rendre sa discipline accessible à tous.
Il était un vulgarisateur hors pair. Son style, son ton, sa façon de s’exprimer et de raconter le passé, entre patience et passion, il les avait forgés dans sa formation. Dans une connaissance qu’il avait choisi d’acquérir en "candidat libre" pourrait-on presque dire, en autodidacte, sans se plier au conformisme de l’enseignement universitaire.
Distingué, élégant, l’œil rieur, derrière de grosses lunettes, il allait contre les académismes pour se tourner vers la pédagogie, pour parler simplement, être audible du plus grand nombre.
Cette volonté de redonner le goût de l’histoire et surtout d’en dépoussiérer l’enseignement, comment mieux la transmettre qu’en utilisant les médias ?
Alain Decaux le comprend très vite et l’exerce dès 1951 à la radio d’abord, en animant la Tribune de l’histoire. Une émission qui occupera les ondes pendant près de 50 ans, jusqu’en 1997, sur France Inter.
Une longévité exceptionnelle pour un conteur tout aussi exceptionnel…
Alain Decaux, c’était aussi un homme de télévision. C’est cet aspect que les Français retiennent ce matin.
L’historien choisit aussi la télé pour transmettre sa passion, à partir de 1956 avec Les énigmes de l’histoire sur la première chaîne de la RTF, auxquelles succédera une émission mythique. Je veux bien sûr parler de La caméra explore le temps. Nous sommes le 14 septembre 1957. Alain Decaux est face à André Castelot. Ils consacrent cette première à Napoléon et Marie Walewska.
"Comment un homme se dévoile-t-il le mieux ? Quand il est amoureux", nous dit Alain Decaux. Amoureux, il l’était assurément de l’histoire bien sûr, mais des belles lettres aussi, et c’est sans doute dans l’exercice de cette double passion qu’il s’est le mieux dévoilé.
A la télévision, c’est aussi avec une autre émission qu’il marque les téléspectateurs de l’ORTF, puis d’Antenne 2, Alain Decaux raconte.
Entre 1969 et 1987, chaque mois, pendant une heure, parfois en direct, il est seul, face caméra.
Un événement marquant, une bataille, la vie d’un homme, d’une femme. Il donne au public le goût de l’histoire, sans notes, sans fiche et sans prompteur, toujours avec ce phrasé si caractéristique.
Une disparition qui a provoqué de nombreuses réactions.
Hier soir, François Hollande saluait la mémoire d’un homme qui "aimait la France et voulait que la République transmette à chacun la compréhension du monde."
Ce matin, Franck Ferrand, le "monsieur histoire" d’Europe 1 se souvenait lui d’un homme d’une délicatesse infinie. C’était dans la matinale de Wendy Bouchard.
Alain Decaux était entré à l’Académie française en 1979, il avait été ministre de la francophonie de Michel Rocard, de 1988 à 1991.
Avec le metteur en scène Robert Hossein, il avait écrit de nombreuses pièces sur de grandes figures historiques et notamment Un homme nommé Jésus en 1984.
Alain Decaux était un passeur. C’était le professeur d’histoire idéal, celui que plusieurs générations d’auditeurs et de téléspectateurs ont rêvé d’avoir. Ce matin, son cours magistral est terminé…