La veuve de l'une des victimes de l'attentat de Charlie Hebdo porte plainte contre le journal pour abus de confiance aggravé concernant la redistribution des fonds du numéro spécial.
Plus de deux ans après la tuerie de Charlie Hebdo, une plainte va être déposée contre le journal.
C’est ce qu’annoncent les avocats de Gala Renaud. Le 7 janvier 2015, son mari, Michel, se rend dans les locaux de Charlie Hebdo. Il doit y rencontrer le caricaturiste Cabu. Il participe à la conférence de rédaction et sera abattu froidement par les frères Kouachi.
Plus de deux ans après l’attentat contre l’hebdomadaire satirique, Gala Renaud sort de son silence. Dans une lettre adressée il y a quelques jours au doyen des juges d’instruction de Paris, elle annonce son intention de porter plainte pour "abus de confiance aggravé".
Concrètement, ce qu’elle reproche aux responsables de Charlie Hebdo, c’est l’utilisation de l’argent récolté après les attentats. On s’en souvient, le journal avait bénéficié d’un élan de solidarité sans précédent. Il avait reçu 4,5 millions d’euros de dons, mais surtout un soutien massif de la part des lecteurs. L’édition publiée une semaine après la tuerie, le fameux Numéro des survivants, s’était écoulé à près de huit millions d’exemplaires, un record dans l’histoire de la presse française. À tirage exceptionnel, recettes exceptionnelles : ce numéro aurait rapporté près de 15 millions d'euros à Charlie Hebdo.
Aux lendemains de l’attentat, plusieurs membres de la rédaction assuraient publiquement que les recettes de ce numéro seraient reversées intégralement aux familles des victimes. Une promesse non tenue selon Gala Renaud : à ce jour, elle aurait seulement reçu 141.000 euros de dons.
Elle y voit donc une forme de détournement de fonds.
Ses avocats estiment qu’il y a tromperie sur l’utilisation des recettes générées par ce numéro exceptionnel. Ils y voient une forme de trahison, à la fois à l’égard des familles des victimes, mais aussi envers les lecteurs / convaincus que leur argent reviendrait aux survivants.
En juin dernier, Gala Renaud avait déposé une première plainte contre Charlie Hebdo. Une plainte dont elle n’a toujours pas reçu de nouvelles. Face au silence du Parquet, elle a donc décidé de déposer une seconde plainte et de se constituer partie civile.
Elle s’appuie sur un ouvrage publié au mois de janvier, qui rapporte les tensions et les désaccords au sein même de la rédaction sur l’utilisation de l’argent récolté après les attentats.
Cette accusation de promesse non tenue, elle est battue en brèche par les responsables de Charlie Hebdo, et notamment par Riss. Ce matin, dans Le Parisien-Aujourd'hui en France, le directeur de la publication, mis en cause nommément dans la plainte, assure que l’action judiciaire engagée contre lui est "absurde". Il assure qu’à aucun moment les responsables n’ont promis de reverser les recettes de ce numéro aux familles des victimes. Il parle du "chaos" des jours d’après où régnait une forme de cacophonie, d’une période où chacun disait tout et son contraire.
Il veut croire que la priorité aujourd’hui est d’assurer la pérennité du titre, de continuer à se battre pour la liberté d’expression.
Après la terreur, après l’effroi et après le deuil, vient l’heure des déchirures, sur fond d’indemnisation. Ce matin, on sera au moins d’accord sur une chose : ce n’est sans doute pas la façon la plus noble de rendre hommage aux victimes.