Le journaliste du Petit journal de Canal Plus, Martin Weill, et son cameraman ont été arrêtés au Maroc alors qu'ils enquêtaient sur une agression homophobe.
Le fait média du jour, c’est une équipe du Petit Journal de Canal+ expulsée du Maroc. Ce week-end, deux journalistes de l’émission de Yann Barthès réalisaient un reportage dans plusieurs villes du royaume. Ils ont été arrêtés par la police avant d’être ramenés à leur avion, direction Paris.
Qu’allait faire cette équipe du Petit Journal au Maroc ?
Les deux journalistes voulaient suivre le procès des auteurs d’une agression homophobe. C’était le 9 mars dernier, à Béni Mellal, une ville du centre du pays : un couple gay est passé à tabac par plusieurs individus qui ont filmé leur agression, avant de la diffuser sur les réseaux sociaux.
Le Petit Journal voulait rendre compte du quotidien d’un jeune homosexuel au Maroc, un pays traversé par une très violente vague d’homophobie. Plus largement, il voulait attirer l’attention sur les minorités sexuelles dans le pays. Mais voilà, leur reportage tourne court. C’est ce que racontait hier soir le journaliste, Martin Weill, sur le plateau du Petit Journal. Dimanche, il est avec son caméraman dans les rues de Béni Mellal, précisément dans le quartier où résident les deux victimes de l’agression homophobe. Mais rapidement, ils sont dénoncés par les habitants et la police vient interrompre le tournage.
Pourquoi les autorités marocaines ont-elles réagi aussi rapidement contre l’équipe du Petit Journal ?
Elles reprochent aux deux journalistes de ne pas avoir respecté le processus habituel. C’est donc un problème administratif. Pour pouvoir tourner au Royaume du Maroc, les médias étrangers doivent montrer patte blanche et engager des démarches administratives très longues, comme l’expliquait hier Martin Weill.
Les deux journalistes sont partis au Maroc vendredi dernier, sans accréditation, sans autorisation de filmer. Ils ont été arrêtés dimanche midi par les autorités marocaines. Ils ont ensuite passé plusieurs heures à la préfecture de Béni Mellal, avant d’être transférés ensuite au commissariat de l’aéroport de Casablanca où ils ont passé la nuit. Ils ont ensuite été conduits dans un avion puis expulsés vers la France où ils sont arrivés hier en début d’après-midi.
Mais au-delà des accréditations, il semble que ce soit aussi le sujet du reportage qui pose problème aux autorités marocaines.
L’argument de l’autorisation de tourner semble bien fallacieux dans un pays où l’homosexualité est un tabou. C’est même pire que ça : c’est un crime, puni par l’article 489 du code pénal. Au Maroc, un homosexuel encourt une peine allant de six mois à trois ans de prison. Ça explique pourquoi une victime d’agression homophobe n’ira jamais porter plainte, elle risque une peine plus lourde que ses agresseurs. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit pour l’affaire de Béni Mellal. La semaine dernière, deux des individus ont été jugés, ils ont été condamnés à deux mois de prison avec sursis, alors qu’une des deux victimes a écopé de quatre mois de prison ferme. Une situation impossible à dénoncer dans des médias parfois très conservateurs. Il y a quelques mois, le journal Maroc Hebdo avait fait sa Une avec ce titre : "Faut-il brûler les homos ?"
Avant d’être arrêtée, l’équipe du Petit Journal a réussi à rencontrer l’auteur de cet article et de ce titre, qui avaient fait couler beaucoup d’encre à l’époque. Un titre qui, selon lui, a seulement été très mal compris.
A en croire ce journaliste, la société marocaine ne serait donc pas prête à une évolution des mœurs.
Ce matin, on pourrait penser que c’est peut-être le rôle des médias de contribuer à faire bouger les lignes. Mais pour ça, il faudrait qu’ils puissent faire leur travail librement. Selon le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, le Maroc est le 130e pays sur 180. Pas certain que la mésaventure des équipes du Petit Journal soit de nature à améliorer cette situation.