Gabriel Zucman explique que nous n'en sommes qu'à la première étape : celle des déclarations de bonnes intentions.
Les principales déclarations de Gabriel Zucman, chercheur à l’Ecole d’économie de Paris, spécialiste des paradis fiscaux :
Un grand pas a t-il été accompli hier au G8 ?
"Non, c'est un petit pas dans la lutte contre la fraude fiscale, mais il faut s'en réjouir. Voyons ce qui est positif : les pays du G8 affirment solennellement pour la première fois que leur objectif c'est l'échange automatique d'informations bancaires. A terme, il n'y aura plus de différence entre avoir un compte en Suisse ou un compte en France. Au sens où, aujourd'hui, tous les ans, les banques Françaises communiquent leurs informations à Bercy, ce qui rend la fraude fiscale impossible par l'intermédiaire des banques Françaises. A terme, il en sera de même pour les banques dans les paradis fiscaux en Suisse, à Singapour, etc."
Pourquoi n'a t'on pas pu aller plus loin ?
"Ce n'est qu'une première étape. Nous en sommes juste à l'étape de la déclaration de bonnes intentions, il va maintenant falloir réussir à forcer les paradis fiscaux à adopter ce standard, à ce qu'ils donnent les informations bancaires dont ils disposent. On n'a pas non plus avancé sur les sociétés écran : 60% des comptes en Suisse sont détenus par l’intermédiaire de sociétés qui ont une adresse au Panama, aux Iles vierges britanniques. On ne peut pas avancer tant qu'on ne sait pas qui sont derrière ces sociétés écran : le G8 n'a rien fait pour établir un registre nous disant qui sont les bénéficiaires effectifs des comptes en Suisse, qui sont les actionnaires écrans, c'est une autre limite fondamentale du G8 hier."
Va t-on pouvoir vérifier que ces intentions vont être mises en œuvre ?
"C'est tout l'enjeu des mois, des années à venir. Il appartient à la société civile, aux journalistes, aux chercheurs, d'être extrêmement vigilants : on a déjà vu en 2009 des proclamations de victoire, de fin du secret bancaire, de fin de la fraude fiscale... Vous vous souvenez peut-être de Nicolas Sarkozy disant que les paradis fiscaux étaient finis, l'OCDE fait souvent le même genre de déclarations. Quatre ans après, on entend le même type de discours triomphaliste : il faut être extrêmement vigilant. La différence par rapport à 2009 : le standard international mis en avant a du sens. L'échange automatique d'information, ça a du sens ; par rapport à l'échange d'information à la demande de 2009 qui était un standard sans intérêt, qui ne permettait pas de lutter contre la fraude fiscale. Au moins, aujourd'hui, le discours a un sens : mais ne tombons pas dans les vieux travers, soyons vigilants, vérifions que ces promesses seront mises en œuvre."