Ce samedi, Catherine Nay décrypte l'allocution télévisée d'Emmanuel Macron, et plus précisément son souhait de s'appuyer sur les élus locaux.
Bonjour Catherine,
Bonjour Bernard, bonjour à tous.
Mardi soir, lors de son allocution télévisée, Emmanuel Macron a dit vouloir s'appuyer sur les élus locaux dans tous nos territoires et en particulier nos maires. Vous y voyez un sacré mea culpa.
Il y a en effet urgence à retisser la relation avec les élus locaux, tous, qui se sentaient méprisés par le pouvoir. Ils ont peu apprécié que les décisions tombent d'en haut, sans concertation, sans passer un coup de fil : la coupe dans les emplois aidés ; la suppression de la taxe d'habitation sans compensation clairement définie ; le coût exponentiel des aides sociales, alors qu'on leur demande 13 milliards d'économies d'ici 2022. Ajoutons la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure sur les routes secondaires.
Et on a vu les maires, les départements, les régions, faire front à travers leurs représentants. François Baroin, Dominique Bussereau, Hervé Morin. Pour les Français, ils incarnent une opposition lisible : la défense des territoires contre Macron, le Président des villes. En juillet, ces trois-là avaient boycotté la conférence nationale sur les territoires, un sacré camouflet ! Et il y a trois semaines, ils ont lancé l'appel de Marseille, la ville de Gaston Deferre, ministre de la décentralisation de François Mitterrand…Voyez le symbole...Attention, danger ! Le Président ne pouvait pas rester inerte. Mais pour être juste, disons que le malaise n'est pas nouveau, sous François Hollande, les dotations avaient déjà baissé de 10 milliards d'euros.
La création d'un grand ministère des territoires lors du remaniement est un grand geste envers les élus locaux.
Oui, c'est même un tournant dans le quinquennat, avec à sa tête Jacqueline Gourault, qui était déjà Madame Territoires auprès de Gérard Collomb à Beauvau. Elle quitte les locaux du ministère de l'intérieur pour s'installer chez elle, Avenue de Ségur, épaulée par deux jeunes ministres : Julien Denormandie, 38 ans, qui va s'occuper de la ville et du logement. Et Sébastien Lecornu, 32 ans, aux collectivités territoriales. Sujet qu'il connait bien : il était maire de Vernon, président du Conseil Général de l'Eure. Ce qui est intéressant, c'est que le ministère de l'intérieur est dépossédé de la direction générale des collectivités locales, la DGCL. C'est une amputation politique pour Christophe Castaner, le nouveau ministre de l'intérieur. Evidemment, la puissance budgétaire reste à Bercy. Mais pour les élus locaux, il n'y a plus qu'un seul interlocuteur, ce qui va simplifier leur démarche, et c'est bien ce qu'il demandait depuis longtemps.
Emmanuel Macron a reçu à l'Elysée Gérard Larcher, le président du Sénat, Dominique Bussereau, président des départements, Hervé Morin, président des régions, à déjeuner chez Edouard Philippe. Mais dans cette esquisse des réconciliations, il manque un acteur : François Baroin. Visiblement, le courant a du mal à passer avec lui en haut lieu.
En tout cas, le pouvoir aurait tort de croire qu'il va casser ce trio en jouant deux contre un "C'est une trinité pour la vie", m'a dit l'un d'eux. Il est vrai que François Baroin n'a pas ménagé le Président, parlant de dédain prétentieux. Dans le Parisien, il dénonçait hier cette recentralisation hallucinante depuis 15 mois, inadaptée selon lui, à un Etat qui a 100% de dettes. Il regrette le rejet du Plan Borloo par le Président. Il y voit un tarissement des investissements. Il note ce phénomène inquiétant : les démissions des maires, parce qu'ils ne peuvent répondre aux attentes de leurs administrés. Mais fait nouveau, les démissions des maires adjoints et des conseillers municipaux qui n'acceptent pas le désengagement républicain, d'où des difficultés en vue pour les prochaines municipales. Dans quelques semaines se tiendra le congrès des maires. On verra bien si le Président y viendra. Ce qui devrait mettre un terme à la fâcherie.
Si les maires sont découragés, dans les départements aussi c'est le blues.
Oui, Dominique Bussereau lui non plus ne mâche pas ses mots : 30 départements, dit-il, ne peuvent plus régler leurs problèmes financiers. L'Etat a augmenté le RSA de 100 milliards d'euros comme ça, sans passer un coup de fil. D'où les difficultés budgétaires. Autre gros souci : les mineurs non accompagnés, MNA, qui affluent depuis le mois d'août en provenance de l'Afrique sub-saharienne : Burkina Faso, Mali, Guinée-Conakry, tous des migrants économiques. Il y en avait 25.000 l'année dernière, il y en aura 40.000 à la fin de l'année, dans différents départements. Depuis que les Italiens ont bloqué leurs frontières, ils arrivent par l'Espagne. Les accueillir a un coût. Exemple : rien que pour la Charente-Maritime, le département de Dominique Bussereau, il faut 600 millions d'euros pour le RSA et 8 millions pour gérer les mineurs. Le Président ayant promis des solutions dans le budget pour 2019, on attend ses réponses !