Ce samedi, Catherine Nay brosse décrypte les enjeux de la rencontre entre Emmanuel Macron et Giuseppe Conte.
Bonjour Catherine,
Bonjour Wendy, bonjour à tous.
Après une semaine d'accrochages verbaux sur le sort de l'Aquarius, Emmanuel Macron a reçu hier Giuseppe Conte, le nouveau chef du gouvernement italien à déjeuner. Au menu, l'apaisement entre la France et l'Italie sur la question migratoire.
Ça a chauffé dur entre les deux pays : mercredi, Giuseppe Conte menaçait de ne pas venir à Paris. C'est que la veille, Emmanuel Macron avait taxé de "cynisme" et "d'irresponsabilité" le gouvernement italien parce qu'il fermait l'accès de ses ports à l'Aquarius, un bateau affrété par SOS Méditerranée et SOS Médecins Sans Frontières et aussi 129 migrants qu'il avait secourus en mer. Et Gabriel Attal, porte-parole d'En Marche, en rajoutait une couche disant que c'était "une décision à vomir". Entre nous, c'est Emmanuel Macron qui a choqué. Il ne devrait pas parler comme ça d'un pays qui, victime de sa géographie, a pris sa part dans l'accueil des migrants. Plus de 700.000 depuis 2013. Et il n'y a qu'à aller en Italie pour constater ces campements africains aux abords de plusieurs villes, ce qui est très impressionnant, alors que la France bloque sa frontière à Vintimille.
"L'Italie n'a pas à recevoir des leçons d'hypocrisie de pays qui tournent le dos à leurs partenaires", a tonné le ministre de l'intérieur, Matteo Salvini, leader de la Ligue, l'extrême-droite italienne, qui a répondu, lui, aux vœux de ses électeurs. Et le même de louer le geste de solidarité inédit de l'Espagne qui accueillera l'Aquarius à Valence.
Mais hier, changement d'ambiance : lors de leur conférence de presse commune, Emmanuel Macron et Giuseppe Conte ont joué l'entente cordiale.
"Il y a eu des jours tumultueux mais notre entente est parfaite", a assuré le Premier Ministre italien à son ami Emmanuel, lequel lui a renvoyé du "cher Giuseppe" à tour de bras et on se tutoie. C'est vrai qu'ils se sont déjà rencontrés au G7 au Canada. Emmanuel Macron a parlé le premier, pour concéder d'emblée que la solidarité à l'égard de l'Italie n'a pas été au rendez-vous. Et, façon de se défendre, que la France demeure une terre d'asile. Si l'Italie a eu 18.000 demandes d'asile depuis janvier, la France en a eu 36.000, venant de migrants déjà déboutés en Allemagne : "Nous ne sommes pas un pays d'arrivées premières". Et de préciser aussi que les arrivées de Libye en Italie ont baissé de 70% depuis le début de l'année, grâce à des accords moyennant finances avec diverses autorités locales libyennes.
Giuseppe Conte et Emmanuel Macron sont d'accord : la solution ne peut être qu'européenne.
D'ailleurs tous deux feront des propositions à la fin du mois de juin. Ils voudraient changer les règles de Dublin, qui impliquent que le premier pays d'accueil examine la demande d'asile, système qui pénalise les pays frontaliers de la Méditerranée. La question migratoire est en train de devenir le sujet numéro 1 en Europe. Matteo Salvini ébauche le contour d'une alliance avec Vienne, Berlin, un axe des réfuzniks. En Allemagne, Madame Merkel est en bise-bille avec son ministre de l'intérieur. Et les Allemands sont de plus en plus obsédés par cette question : 86% demandent l'accélération des expulsions.
Mais l'Europe est-elle inerte ?
Elle finance un certain nombre de pays : le Niger, la Libye, le Mali, le Nigéria, le Sénégal, l'Ethiopie pour qu'ils arrêtent de laisser partir leur jeunesse. Des dizaines de millions d'euros en Libye pour former des garde-côtes à la lutte contre les passeurs. L'Agence Européenne de défense des frontières, Frontex, devrait passer de 500 à 10.000 garde-frontières.
On voit bien que le problème de l'immigration va devenir le sujet numéro 1 en Europe.
Il n'y a qu'à regarder les chiffres. D'un côté, 510 millions d'habitants vieillissants et de l'autre l'Afrique, avec 1,25 milliard d'habitants dont 40% ont moins de 15 ans. En 2050, ce seront 450 millions d'Européens face à 2,5 milliards d'Africains. A bord de l'Aquarius, il y a 30% de Soudanais, des Guinéens, des Maliens, en majorité des jeunes hommes qui cherchent un avenir meilleur. Ils sont peu ou pas qualifiés et ont donc un taux d'employabilité très faible dans nos sociétés. Cette pression migratoire va soumettre l'Europe à une épreuve sans précédent. L'Etat Providence sans frontières est une illusion ruineuse qu'entretiennent des utopistes au nom de la morale et des valeurs de l'Europe. Déjà on perçoit les déchirures entre les égoïsmes nationalistes ou tout simplement des gens qui disent stop, et l'angélisme humaniste. Oui, que faire de tous ces gens qui prennent des risques, à qui on ne peut accorder le droit d'asile, qu'on ne sait pas reconduire, qui ne peuvent s'installer et travailler mais qui vivent dans des conditions inhumaines s'est interrogé hier Emmanuel Macron sans donner de réponse.