Ce samedi, Catherine Nay brosse décrypte la promesse de campagne qu'Emmanuel Macron va appliquer au mois de juillet : évaluer les ministres tous les six mois.
Bonjour Catherine,
Bonjour Wendy, bonjour à tous.
A la demande du Président Macron, Edouard Philippe recevra les ministres un par un au début de mois de juillet pour faire le bilan de leur action. En entreprise, cela s'appelle un entretien d'évaluation.
C'était une promesse de campagne, Emmanuel Macron pensait même évaluer les ministres tous les six mois. Et il les avait prévenus dès leur premier Conseil, il y a un an. "Demandez-vous toujours pourquoi vous êtes là, quelles sont vos priorités et si vous remplissez bien la mission qui vous a été confiée". Et chaque ministre avait dû rédiger une feuille de route avec des objectifs sur le moyen et sur le long terme. L'idée était de les pousser à la culture du résultat.
D'ailleurs, cette évaluation allait de pair avec un vocabulaire managérial avec beaucoup de mots en "ion" : transformation, gestion, innovation. Les coupes drastiques dans le budget du Grand Paris Express deviennent "optimisation du projet", l'irruption d'anglicismes étant une marque de fabrique propre à la macronie. Le Président ayant rompu ce tabou. L'anglais est la langue de l'entreprise. Les députés en marche s'en sont fait une spécialité, ne jurant que par le "bottom-up", le "team building", le "feedback". L'objectif suprême étant de "performer".
Avec ces tests d'évaluation, Emmanuel Macron n'a rien inventé. En janvier 2008, François Fillon, à la demande de Nicolas Sarkozy, avait lui aussi décidé d'évaluer les ministres.
Ca avait fait toute une histoire parce qu'il avait demandé à un Cabinet privé en stratégie, Mars & Co, de l'aider à fixer pour chaque ministère les critères de résultat, une trentaine pour chaque ministère. Comme il était beaucoup question de remaniement dans la presse, cette annonce avait créé un mauvais climat. Il avait dû expliquer qu'il n'était pas question de noter les ministres - "on n'est pas à l'école" - mais d'évaluer les politiques pour, le cas échéant, redresser la situation. Les ministres y voyaient une machine à sanctions. Nicolas Sarkozy avait dû lui-même les rassurer. "Faites votre boulot. Ne soyez pas fébriles. Ce ne sont pas les média qui décident. Et puis il s'agit de mieux coordonner le travail". La gauche dénonçait une méthode de gestion patronale, un gadget dangereux. "On n'est pas au Mac Donald", ça avait fait beaucoup de foin. En 2009, on ne parlait déjà plus d'évaluation. On voit bien aujourd'hui qu'on a changé d'époque ! L'annonce d'Edouard Philippe n'a suscité aucune réaction dans l'opposition. Encéphalogramme plat de ce côté-là.
En 2008, vous l'avez dit, les ministres craignaient d'être remerciés, ce qui n'est pas le cas cette fois.
Jupiter les a rassurés. Il entend continuer avec la même équipe, "avec les mêmes convaincus", a-t-il dit. Non, un remaniement n'est pas à l'ordre du jour. Nicolas Hulot avait relancé les spéculations sur son maintien à la tête du ministère de la transition écologique et s'est dit déçu du rejet par les députés de l'amendement visant à interdire le glyphosate sous trois ans. "Nicolas Hulot a ma confiance et nous avons besoin de son engagement parce que c'est un convaincu", a dit Emmanuel Macron. Comprenez qu'il ne veut pas le lâcher. "Allez, tous au boulot. Il n'y aura pas de pause avant le mois d'août", a prévenu le Président, façon de maintenir la tension créatrice dans l'action, sauf qu'en privé, les ministres avouent qu'ils sont rincés de fatigue. Avec 10 collaborateurs seulement, tous le disent : c'est dur.
Tout de même, ces tests d'évaluation ont été annoncés après une série de couacs ministériels. Edouard Philippe devait resserrer les boulons.
Le Président veut avancer. Alors que la réforme de la SNCF, qui était un test sur la capacité de l'exécutif à transformer le pays, sera bouclée après le vote du Sénat, on entre dans l'Acte 2 du quinquennat avec du lourd, du très lourd : la réforme des retraites, et celle des finances publiques. C'est que la France est le mauvais élève de l'Europe, avec 56,4% de son PIB consacrés à la dépense publique contre 43,6% en Allemagne. Il va falloir prendre des mesures qui ne seront pas forcément populaires. On rogne sur quoi ? On a vu que Bruno Le Maire et Gérarld Darmanin, les deux ministres de Bercy, n'étaient pas raccord sur les aides sociales. Emmanuel Macron s'est engagé à baisser de quatre points la dépense publique. Les majorités précédentes avaient fait des promesses qui n'ont jamais été tenues.