Manuel Valls a annoncé qu'il comptait supprimer le 49-3, hors texte budgétaire. Une déclaration qui a déclenché une vive incompréhension, tant dans le monde politique que dans l'opinion publique.
Manuel Valls a perturbé, jeudi, la campagne pour la primaire de la gauche, en proposant de supprimer le 49-3, hors texte budgétaire. Une proposition qui a suscité incompréhension et railleries à droite comme à gauche. On a besoin de décryptage...
Il y a de quoi être perplexe, en effet, puisque Manuel Valls veut supprimer l'arme controversée qu'il a utilisée pour faire passer la loi Macron, pour imposer la loi Travail, et ce, au grand dam des frondeurs de sa majorité. Et puis ne pas oublier les manifestations nombreuses contre ce 49-3. Qu'est-ce qui lui prend de dire cela ? La tartufferie ? Veut-il signifier que c'est François Hollande qui l'avait obligé à y recourir ? Jean-Marc Ayrault, son prédécesseur à Matignon, se plait à dire que lui, ne l'a jamais utilisé. Et puis parler du 49-3 en ce début de campagne, comme si les Français n'avaient pas d'autres urgences ? Oui, c'est assez incompréhensible. Mais selon ses proches, si Manuel Valls a lancé ce pavé dans la mare, c'est pour faire tomber les arguments de ses adversaires lors des débats de la primaire en janvier, manifester sa mue de Premier ministre en candidat. Façon de dire : “Je suis libéré, alors forcément, je change.” Oui. Mais c'est à se demander qui est le vrai Manuel Valls ?
Quels sont ses atouts pour la primaire ?
C'est lui qui fait le plus Président. D'abord, il a cette autorité naturelle -un peu trop, parfois- dont était dépourvu François Hollande. Il a l'expérience. C'est le seul pag, P.A.G, prêt à gouverner. La majorité des ministres le soutient. Il a plus de 500 élus, 178 parlementaires. Mais cet atout est son handicap, parce que sortant de Matignon, il va porter sur ses épaules le fardeau du bilan, qui aurait pesé sur François Hollande s'il avait concouru. Il va être l'unique cible de la primaire. T.S.V : tout sauf Valls. Comme l'était Nicolas Sarkozy dans la primaire de la droite. Il devra aussi affronter la rancune tenace de trois anciens ministres qu'il a évincés du gouvernement : Vincent Peillon, Arnaud Montebourg et Benoit Hamon. Ces deux derniers n'ont pas digéré leur éviction, vu qu'ils avaient conspiré pour sa nomination à Matignon. Ils auront envie de lui rendre la monnaie de sa pièce.
Mais Manuel Valls a quitté Matignon pour se porter "candidat" à la présidence de la République ! Il fait comme s'il avait déjà gagné la primaire.
"Rien n'est écrit", a-t-il scandé en épiphore, lors de son discours d'Evry : "Rien n'est écrit." Mais peut-il convaincre les sympathisants de gauche de venir voter pour lui à la primaire ? Si 4 millions et demi de sympathisants se sont déplacés lors de la primaire de la droite, c'est parce qu'ils croyaient que leur camp peut gagner la présidentielle. Et leur choix s'est porté sur celui qui était à leurs yeux le plus apte, le plus solide pour l'emporter. Mais en l'état actuel de la gauche, qu'est-ce-qui pourrait bien motiver un sympathisant de gauche à se déplacer ? Qui peut croire à une victoire à la présidentielle ? Admettons que Manuel Valls sorte vainqueur de la primaire. Mais pour l'heure, les candidatures de Jean-Luc Mélenchon et d'Emmanuel Macron annoncent une ré-édition d'un 21 avril. Et si les électeurs considèrent que la bataille présidentielle est perdue, ils se déplaceront peut-être, pour assouvir leur vieux rêve d'une gauche idéale, teintée de podemos, façon Benoît Hamon ou la rose anti-austérité de Montebourg. Ce sera un vote de congrès socialiste. Mais comme le dit Manuel Valls, "rien n'est écrit".