Ce samedi, Catherine Nay décrypte le rapport sur la politique de la Ville de Jean-Louis Borloo.
Bonjour Catherine,
Bonjour Wendy, bonjour à tous.
Jean-Louis Borloo a remis jeudi au Premier ministre son plan d'action pour les banlieues, intitulé "Vivre ensemble, vivre en grand". Interrogé sur ce qu'il allait en faire, Edouard Philippe a rétorqué : "il faut d'abord que je le lise". Ce qui s'appelle "botter en touche". D'où la question : à quoi ce plan va-t-il servir ?
Réponse fin mai. Un discours d'Emmanuel Macron est attendu sur le sujet. On verra s'il s'inspire de tout ou partie de ce plan. Jean-Louis Borloo, qui propose 19 plans d'action dans tous les domaines : action sociale, urbanisme, éducation, sécurité, emploi, juge qu'il n'y a pas de priorité. Que tous les programmes doivent démarrer tout de suite, en même temps. Il croit à l'effet "blast" : c'est tout ou rien. Lui combat cette idée reçue que déjà trop d'argent a été déversé sur ces territoires. Il plaide au contraire que les quartiers prioritaires sont en-dessous du minimum républicain, et que sur les 220 quartiers en difficulté, 60 sont en grande fracture et 15 en rupture. Lui, le père du plan de rénovation urbaine, qui a permis d'améliorer les conditions de vie de tant de gens, se plaint que tout a été arrêté depuis quatre ans et que l'écart des chances d'avenir ne cesse de croître dans ces territoires. L'heure est à l'action, dit-il. Il réclame la nomination d'un chef d'orchestre, un Général Patton avec un comité de suivi que Jean-Louis Borloo accepterait de piloter, en précisant qu'il n'entendait pas reprendre de responsabilité gouvernementale. Mais il n'est pas dit non plus qu'on le lui propose.
C'est le Président Macron lui-même qui lui a demandé ce rapport. C'est donc bien pour s'en inspirer.
Mais va compter aussi l'historique de leurs rapports. Souvenez-vous, il y a un an, on était entre les deux tours de la présidentielle. Jean-Louis Borloo, qui était resté muet pendant la campagne, donnait une interview au JDD pour dire qu'il était prêt à se retrousser les manches deux ou trois ans pour donner un coup de main à Emmanuel Macron. Lequel avait reçu ses offres de service comme celles d'un ouvrier de la 25ème heure, d'autant qu'à la question : "avez-vous voté Macron au premier tour ?", Jean-Louis Borloo avait répondu : "ça me regarde". Petite déception dans le camp Macron.
En réalité, Jean-Louis Borloo est revenu parce que des maires sont venus le chercher en octobre. Des élus furieux, colère alimentée par la suppression des contrats aidés, la baisse de l'APL, les coupures budgétaires. Ils étaient plus de 1.000 à lancer l'appel de Grigny. En tous cas, en nombre suffisant pour que l'Elysée réagisse en novembre, en invitant à déjeuner une dizaine de maires, autant d'associatifs et Jean-Louis Borloo, bien sûr, auquel le Président a confié ce rapport, après plus de deux heures et demi d'échanges.
On comprend que Jean-Louis Borloo ait été un peu vexé de ne pas être reçu jeudi par le Président lui-même.
Jean-Louis Borloo a été le chef d'orchestre d'un travail collectif. "Je n'arrive pas à imaginer un quart de seconde qu'un travail souhaité et construit avec autant de gens soit mis sur une étagère", dit-il. C'est vrai qu'une dizaine de groupes très divers, composés chacun de 15 à 20 personnes, qui ont apporté leur savoir-faire et la connaissance du terrain. Ils ont vraiment tous bossé pendant six mois.
Les réactions sont diverses.
Oui, par exemple le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, qui est accusé d'être plus le rat des champs que celui des villes, juge que Jean-Louis Borloo fait un constat abrupt, mais qu'il faut parfois des ondes de choc. D'autres disent que ça va coûter trop cher. Mais Jean-Louis Borloo ne cite plus le chiffre de 48 milliards. Il parle de 10, dont 3 seraient à la charge de l'Etat. Mais lui, il croit à la richesse des quartiers populaires, au bouillonnement d'initiatives, au taux de création d'entreprises supérieur à la moyenne, notamment dans la culture numérique. Et pourtant, tous ces gens, dit-il, ont le sentiment d'être abandonnés par la République. Ils doivent bénéficier d'une attention particulière.
Mais par exemple, certains maires, comme celui de Sarcelles, regrettent qu'il ne nomme pas les choses.
Quand, dans son préambule, Jean-Louis Borloo avance que le repli identitaire et communautaire ne doit pas être nié, François Pupponi regrette en effet qu'il ne dise pas noir sur blanc que les quartiers sont gangrenés par la radicalisation islamiste. De plus en plus d'enfants vont dans des écoles salafistes, dit-il. Les réseaux s'implantent, offrent des cours de soutien en maths, en français, des séjours de vacances, des offres culturelles. Et ils ont beaucoup d'argent. Et cette offre concurrentielle est arrivée parce que l'Etat a abandonné ces quartiers. Il propose une offre alternative, ne demande pas de subvention. Mais à Sarcelles, les musulmans font de la provocation quotidienne. Maintenant les petites filles de 5-6 ans sont voilées.