Axel de Tarlé, Géraldine Woessner et Sophie Larmoyer font le point sur l'actualité du jour.
Axel De Tarlé - la fin du tout jetable !
Le groupe Seb - n°1 mondial du petit électroménager - s'engage à ce que tout ses produits puissent être réparés pendant au moins 10 ans.
Aujourd'hui, on est bien souvent obligé de jeter à la poubelle un appareil, parce qu'une petite pièce est cassée. C'est c'est qu'on appelle obsolescence programmée. Les constructeurs feraient exprès de faire en sorte que votre appareil tombe en panne, juste après les deux ans de garantie. Ils feraient aussi en sorte que vous ne puissiez pas le réparer. Objectif : vous forcer à acheter un nouvel appareil. Sauf que les consommateurs, ne supportent plus de jeter ainsi, un appareil, parce que l'interrupteur, la poignée, ou le thermostat est cassé. Et que bien sûr on ne peut le réparer, ou alors - ça vous coute aussi cher, voire plus cher - que le neuf ! Et bien, Seb, s'engage à ce que tout ses produits puissent être réparés pendant 10 ans.
Les ingénieurs de Seb ont désormais pour ordre de créer du petit électroménager réparable. Ainsi, sur la quasi totalité des articles du groupe Seb et désormais toutes ses filiales (Krups, Moulinex, Calor, tefal, Rowenta, etc.) Sur tous ces produits et dans le monde entier, vous aurez sur l'emballage ce logo : un cercle sur fond bleu - avec un tournevis - et cette mention : "Produit Réparable 10 ans. Bien sûr, cela suppose toute une logistique en amont. Avec plus de 5 millions de pièces détachées immédiatement disponibles, un réseau de 250 réparateur agréé en France (6500 dans le monde) capables de vous réparer votre grille-pain, votre robot cuiseur, votre aspirateur, pour un prix inférieur au prix du neuf. Ou des modes d'emploi, sur Internet, pour réparer soi-même.
Mais, (sans être cynique), Seb va vendre moins de produits s'ils durent plus longtemps ?
Oui, c'est mathématique. Mais, chez Seb, on se targue d'écouter le client. Le client veut des produits durables. Seb fabrique des produits durables. Avec cette idée d'ailleurs, que peut-être si effectivement les gens ne supportent plus de jeter, ils achéteront des produits Seb. Donc, à la clé ça veut dire plus de ventes au détriment de la concurrence. Tout cela montre comment la pression des opinions publiques arrive ainsi à faire changer les pratiques industrielles. C'est peut-être la fin du tout poubelle et le retour des appareils durables, qu'on achète et qu'on garde.
Géraldine Woessner - Le Vrai-faux de l'info : les déclarations d'Alain Vidalies sur Alstom
Le Vrai Faux de l’info, dans votre radar ce matin, le ministre des Transports empêtré, plus que jamais, dans le dossier Alstom.
Alain Vidalies qui est en première ligne sur le sujet. Accusé de négligence il s’est défendu auprès de vous hier, en assurant qu’il n’avait pas été informé de la volonté d’Alstom de fermer le site de Belfort. Pour une bonne raison.
"Ce qui aurait été une faute pénale c’est que le gouvernement soit au courant avant que le Comité d’Entreprise le soit. Je suis très étonné que les commentateurs n’aient pas fait cette observation depuis hier. Car si le débat a eu lieu avant, et que vous en avez la preuve, ça s’appelle un délit d’entrave." a déclaré Alain Vidalies sur Europe 1.
Parler de ce projet avant d’en informer les syndicats, ç’aurait constitué un délit d’entrave. C’est vrai, ou c’est faux ?
C’est faux et dans sa volonté de se dédouaner, Alain Vidalies méconnaît le droit. Un délit d’entrave, c'est le fait d’empêcher les représentants du personnel, les syndicats, d’accomplir leur mission, en les privant, des moyens de se défendre. En l'occurrence, ne pas les informer à temps, les mettre devant le fait accompli. La loi fixe des règles, c’est vrai, pour l’annonce par une entreprise d’une fermeture de site, et donc, d’un plan social. En théorie, elle doit convoquer le comité d’entreprise AVANT toute communication publique pour consultation mais ça, c’est dans les cas où elle sa décision est déjà prise, son projet bouclé, présentable. À Belfort, on n’en est pas encore là, et donc, c’est la jurisprudence qui s’applique : arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation, avril 95, je vous le lit : "l’annonce faite à la presse d’un projet de licenciement économique, sans consultation du CE, ne constitue pas une entrave à son fonctionnement dès lors que la mesure procède d’une simple déclaration d’intention." En clair, en informant le comité deux heures avant son annonce, Alstom est resté dans les clous et aurait parfaitement pu discuter de ses plans, des jours, voire des semaines avant avec le ministre.
C’est d’ailleurs ce qui se pratique dans l’immense majorité de ces dossiers sensibles.
Évidemment, on ne va pas se voiler la face. C'est pour cela d’ailleurs que les critiques se déchaînent. Alain Vidalies a été informé des difficultés à Belfort, par trois courriers au moins, envoyés par les parlementaires de la région. Les syndicats que j’ai contacté hier lui reprochent de ne pas avoir été proactif. Il aurait pu, lui, prendre son téléphone, appeler le patron d’Alstom. Patron qui, on veut le croire, ne l’a pas fait non plus ! Peut-être qu’Alstom a voulu tirer le signal d’alarme avant d’engager de lourdes procédures, de convoquer le CE et de rechercher un repreneur éventuel pour le site. Une obligation depuis la loi Florange, qui n'a d’ailleurs jamais sauvé aucun site.
Sophie Larmoyer - la destitution d'Eduardo Cunha au Brésil
C’est la suite du feuilleton brésilien après la destitution de l’ancienne présidente Dilma Rousseff. Cet épisode-là pourrait s’appeler "l’arroseur arrosé" : l’ancien président de la Chambre des députés, qui est celui qui avait lancé la procédure faisant tomber Dilma Rousseff, a été lui-même destitué par ses pairs !
Oui ça s’est passé la nuit dernière avec un vote sans appel : 450 voix pour qu’Eduardo Cunha perde son mandat de député, 10 contre, 9 abstentions. Voilà ce qui s’appelle être lâché ! Plus de 80% des Brésiliens souhaitaient sa destitution, et il y a le mois prochain des élections municipales. D’où ce "rare moment d’unanimité nationale" au Brésil, y compris dans les rangs des parlementaires.
Mais qui est cet Eduardo Cunha, alors ?
C’est un ultraconservateur, proche des Évangéliques, qui avait acquis une grande influence en fédérant autour de lui l’opposition à la gauche, au Parti des Travailleurs de Dilma Rousseff et Lula. En particulier ce qu’on appelle là-bas le groupe BBB, pour "bœuf, bible, balle", c’est-à-dire ces milieux évangéliques proches des affaires de l’agro-business et qui sont partisans du port d’armes. A peine élu à la présidence de la Chambre des représentants début 2015, il avait commencé à être interrogé au sujet de comptes qu’il aurait en Suisse. Il a toujours nié mais les preuves se sont accumulées. Toute ressemblance avec un procès se déroulant en ce moment en France serait purement fortuite.
En l’occurrence au moins 5 millions de dollars d’origine suspecte ont transité sur ces comptes. Lui, sa femme et une de ses filles auraient touché des pots-de-vin dans la grande affaire de corruption du groupe pétrolier Pétrobras. Pour résumer aujourd’hui ce sont plus de 10 enquêtes judiciaires qui le concernent :
Pourquoi a-t-il été démis de ses fonctions ?
Alors c’est pour avoir menti à propos de ces comptes en Suisse, devant une commission parlementaire, qu’il est destitué. "Comme si tout le monde ne disait que la vérité ! ", s’est-il étonné dans une interview. Mais le voilà redevenu simple justiciable.
Il a beau être inéligible jusqu’en 2027, son pouvoir de nuisance fait peur à beaucoup.
On tremble à Brasilia. Au moins 160 autres députés font aussi l’objet d’enquêtes judiciaires, a opportunément rappelé Eduardo Cunha dès la fin du vote contre lui. Il a prévenu : il en sait long sur tout le monde et va écrire un livre. S’il parle, il obtiendra sans doute des réductions de peine dans ses affaires judiciaires. Voilà qui va peut-être aider, finalement, les enquêteurs de la vaste opération "Lava Jato" ("lavage express").