Axel de Tarlé, Géraldine Woessner et Sophie Larmoyer font le point sur l'actualité du jour.
Axel de Tarlé, expert économie
Le Traité de Libre-Echange Transatlantique est mort ! C'est ce qu'affirme le Vice-Chancelier allemand, Sigmar Gabriel.
Ce traité transatlantique faisait figure d'épouvantail avec par exemple la menace d'avoir, en Europe, des poulets lavés au chlore.
Les négociations duraient depuis trois ans sans résultat.
A priori, ce grand traité devait harmoniser les normes et les pratiques des deux côtés de l'Atlantiques.
Ce qui fait, qu'on allait potentiellement voir toutes les mauvaises habitudes américaines débouler en Europe et notamment le poulet lavé au Chlore, le bœuf élevé aux hormones, des OGM dans nos assiettes mais aussi la possibilité de voir des États européens souverains, poursuivis devant des tribunaux privés par des Grandes Entreprises, qui estiment que telle loi nationale est contraire à ses intérêts.
Une perte de souveraineté insupportable.
Le Vice-Chancelier allemand, Sigmar Gabriel, a donc annoncé : Face à ces "exigences" américaines, "les négociations ont de fait échoué".
A vous écouter, on se dit que c'est plutôt une bonne chose !
Oui, sauf qu'évidemment, ce traité aurait permis par exemple à nos entreprises de gagner des marchés publics et des commandes publiques aux États-Unis qui leur sont aujourd'hui fermés.
Mais, surtout, et c'est le plus important, en se mettant d'accord, les normes ou les standards ( comme les normes sanitaires, les normes pour la taille des prises de voitures électriques ou pour l'utilisation de pesticide se seraient, de fait, de par la taille de notre marché, Europe-Amérique, imposées au monde entier.
Donc, en disant non à cet accord, les Européens prennent le risque de voir demain des normes chinoises ou américano-chinoises devenir la règle mondiale et s'imposer de fait au reste du monde. C'est à dire à nous Européens.
C'est en ce sens qu'il faut regretter l'échec de ce traité Transatlantique.
Même si, on ne peut jamais dire que les négociations sont mortes, c’est peut-être un jeu tactique des Allemands pour obtenir de nouvelles concessions de la part des Américains.
Sophie Larmoyer, experte internationale
C’est une véritable chasse ouverte aux toxicomanes et aux dealers qui se déroule aux Philippines depuis deux mois avec plus de 2.000 morts. Une violence inouïe, qui a même alerté la communauté internationale.
Il existe même un nouveau terme là-bas puisque l'on parle de "justice carton", à cause d’une scène, qui se répète dans les rues : deux motards masqués arrivent, ils tirent sur un homme ou une femme, bref l’exécutent puis ils déposent un petit carton où est écrit "drogué" ou "dealer" avant de disparaitre.
"Deux mois" puisque ce climat de terreur date précisément de l’entrée en fonction du nouveau président des Philippines.
Rodrigo Duterte, appelé aussi "le punisseur", avocat populiste de 71 ans et ancien procureur, qui a pris ses fonctions fin juin à la tête de cet archipel d’Asie du Sud-Est. Pour les Philippins il est le pourfendeur de la corruption qui gangrène le pays. Il avait promis d’éradiquer le trafic de drogue en six mois et de "tuer 100.000 criminels dont il balancerait les corps dans la baie de Manille". Les mots arrestations, procès ou encore justice sont des notions absentes du discours de ce président.
Le jour de son investiture le 30 juin il disait aux Philippins : "Si vous connaissez le moindre drogué, allez-y et tuez le!".
Une incitation à la violence reprise par le chef de la police nationale. Tout le monde a pu l’entendre, encore vendredi dernier à la télévision, expliquer à des toxicomanes qu’ils pouvaient aller tuer leurs dealers et brûler leurs maisons.
Ça s’appelle tout simplement un permis de tuer pour tout un chacun, c’est la porte ouverte aux règlements de compte et plus de la moitié des homicides sont le fait de civils.
Et puis "permis de tuer" accordé aux policiers, à qui on a dit qu’ils seraient couverts et auraient même des primes.
Mais plus de 2.000 morts en deux mois, ça ne passe pas.
Ces méthodes sont absolument contraires aux lois internationales, le Sénat philippin a donc ouvert une enquête devant cette inflation des chiffres.
L’Onu s’insurge contre cette incitation au meurtre des autorités de Manille par la voix de Ban Ki Moon mais surtout d’une Française, Agnès Callamard, rapporteuse spéciale de l'ONU sur les exécutions extrajudiciaires. Elle a demandé de pouvoir venir enquêter, on lui a répondu, en gros, de se mêler de ses affaires.
Le président, un peu sanguin, a même menacé de quitter l’Onu avant de dire que c’était de l’humour.
C’est tellement drôle que 700.000 consommateurs de drogue se sont livrés aux autorités ces dernières semaines juste pour essayer de rester en vie.
Géraldine Woessner pour le Vrai faux de l'info
Alain Juppé qui a fait sa rentrée politique ce week-end, quelques jours avant celle des élèves. L’occasion pour lui dans le Grand Jury d’Europe 1, d’évoquer ses projets de réforme en matière d’éducation qui s’appuient sur une affirmation :
"Aujourd'hui, il y a 19 élèves par classe dans les toutes petites sections. Il faut alléger cela".
19 élèves par classe dans les petites sections, c’est vrai ou c’est faux ?
C’est faux. Et les professeurs des écoles qui l’ont entendu ont dû tomber de leur chaise. Ce serait le rêve pour eux s’il n’y avait que 19 élèves dans chaque classe. En réalité, il y en a 25,8 en moyenne en maternelle. Cela veut dire que dans de nombreuses classes, ils sont plus de trente. Dans de nombreux départements d’ailleurs, dans l’Essonne par exemple, on ferme même les classes s’il y a moins de 30 élèves.
Alors d’où vient l’erreur ?
Il y a deux hypothèses. Soit Monsieur Juppé confond la France avec Bordeaux, où les tout-petits, les deux à trois ans, sont dans des classes réduites mais ce n’est pas le cas partout, notamment là où on ne refuse pas d’enfants, cela dépend des académies.
Soit, et c’est l’hypothèse la plus probable, Mr. Juppé confond le nombre d’élève par classe, et le nombre d’élève par enseignant, ce qu’on appelle le taux d’encadrement, combien d’élèves par prof.
En France, c’est 19 en primaire et 21 en maternelle, mais on compte alors tous les personnels pédagogiques par exemple, qui ne sont jamais devant les élèves. On est donc très loin de la réalité.
Là où monsieur Juppé a raison, c’est que les autres pays de l’OCDE font nettement mieux que nous car le taux d’encadrement y est de 15 élèves par professeur en moyenne, en maternelle.
S’il veut réduire les classes, est-ce que ce n’est pas une bonne nouvelle pour les enseignants ?
Pas vraiment quand on regarde la suite de son raisonnement, détaillé dans un livre l’an dernier sur l’éducation. Il veut réduire le nombre d’élèves, tout en augmentant de 10% les professeurs des écoles, très mal payé, mais sans augmenter le budget de l’Éducation nationale. Son idée, c’est de prendre des profs dans le secondaire et de les réorienter.
Mais là on se demande aussi s’il a les bons chiffres, parce qu’avec des classes de 25 élèves en moyenne au collège, de presque 30 au lycée dans le cycle général et technologique, on voit difficilement, comment il pourra faire.