Axel de Tarlé, Géraldine Woessner et Sophie Larmoyer font le point sur l'actualité du jour.
Axel de Tarlé - Chanel annonce des ventes en forte baisse : - 17 % sur un an.
C'est tout le secteur du luxe qui est entré en crise. Un secteur où la France est leader mondiale avec LVMH, Hermès, Chanel, Cartier. Tout le secteur connait un net ralentissement avec même - parfois- comme Pour Chanel ou Cartier - des ventes en baisse.
Pourquoi ?
Le luxe était porté par les acheteurs des pays émergents. Les Chinois, les japonais, les Brésiliens, les Russes qui veulent afficher leur réussite sociale... Or, avec les risques d'attentats, ces acheteurs viennent moins en France. C'est bien souvent, à l'occasion d'un voyage en France, que ces touristes fortunés s'offraient un carré Hermès, ou des souliers de grandes marques.
Deuxième raison : ces pays émergents sont également rattrapés par la crise économique. Que ce soit le Brésil, la Russie, les pays du Moyen orient, frappés par la chute des prix du pétrole, ou la Chine qui mène une campagne anti-corruption. C’est très mal vu maintenant en Chine d’offrir un sac de luxe ou une bouteille de Cognac à un fonctionnaires du pays, en échange d'un petit coup de pouce.
Troisièmement, et c'est plus inquiétant, on assisterait à un phénomène de lassitude vis à vis de tout cet univers du luxe.
On l'a dit, pour beaucoup, acheter du luxe, c'est afficher sa réussite, son statut social. C'est moins vrai aujourd'hui. Les gens fortunés, rêvent davantage de faire de beaux voyager, que d'acheter un nouveau sac à main. Dans les diners en ville, on impressionne plus ses convives, en racontant qu'on revient d'une expédition au Népal, ou au Machu Picchu plutôt qu'en arborant une cravate de grand couturier.
On passe d’un monde de la possession à un monde de l'expérience. Toutes ces raisons, cumulées, font que le secteur du luxe connait un net ralentissement. C'est inquiétant, c'est un secteur ou la France excelle avec un excédent commercial de 7 milliards d'euros, qui fait vivre des milliers d'emplois en France.
Sophie Larmoyer - La rentrée du gouvernement britannique
La Première ministre britannique Theresa May a mis ses troupes en ordre de bataille pour une rentrée qui s’annonce difficile, marquée par l’incertitude du Brexit. Hier elle réunissait son gouvernement dans sa résidence de campagne.
Chacun était censé avoir fait ses devoirs de vacances et arriver avec des idées concrètes pour répondre à la question : "Ce Brexit, on le fait comment ?"
Mais au sein même du gouvernement vous avez 2 camps : ceux qui voulaient rester dans l’Union européenne et ceux qui voulaient en sortir. Dans le premier, comme pour le ministre des Finances par exemple, la priorité est de négocier que la Grande Bretagne reste dans le marché commun. Mais dans ce cas il y aura des contreparties : il faudra accepter la libre circulation des personnes avec le reste de l’Europe. Un peu sur le modèle de la Norvège. L'autre camp dit "Pas question !" ; "Les Britanniques ont voté pour limiter l’immigration européenne, choisir combien de travailleurs polonais on veut accueillir… C’est ça la priorité."
Dans ce camp "pro-Brexit" du gouvernement, vous avez trois ministres qui ont passé une partie de l’été à se chamailler pour savoir, entre eux, qui faisait quoi et qui devait mener les négociations avec Bruxelles.
Est-ce que Theresa May a réussi à arrêter une position commune ?
Ça donne un gloubiboulga, bien résumé par un dessin de MATT, (qui est un peu au journal le Telegraph ce que Plantu est au Monde). On y voit un porte-parole, devant la résidence de campagne de Theresa May, qui déclare : "Le cabinet est tombé d’accord sur ce qu’est le Brexit : des gouttes de pluie sur des roses et des moustaches aux petits chats, des bouilloires en cuivre qui brillent et des mitaines en laine bien chaudes." Bref c’est joli, mignon, mais c’est n’importe quoi. En gros, hier, les ministres ont dit que la Grande-Bretagne allait quitter l'UE mais pas l'Europe, et qu’ils négocieraient un modèle taillé sur mesure pour la Grande-Bretagne. Une sorte de statut spécial qui lui permettra "de contrôler l'immigration tout en obtenant le meilleur accord possible pour le commerce des biens et services."
On croyait comprendre que ces deux points étaient incompatibles…
Et vous avez bien compris. Effectivement, c’est pas ce qu’on appelle une "feuille de route claire". Et est-ce que le calendrier se précise ? Ce qu’a dit Theresa May cet été, c’est qu’elle ne lancerait pas la procédure avant la fin de cette année, l’invocation du fameux article 50 du Traité de Lisbonne. Hier elle a affirmé également qu’il n’y aurait pas de second référendum, pas de tentative de rester en Europe"en passant par une porte dérobée". D’ailleurs il est probable qu’elle ne consulte même pas le Parlement, qui voudrait freiner la procédure de divorce. Le camp du "leave", qui a peur que ça traine trop, demande un calendrier précis. Et ceux qui espèrent toujours qu’il est possible de faire machine arrière organisent une grande marche "pour l’Europe", ce samedi à Londres.
Géraldine Woessner - L’Impôt sur la Fortune vit peut-être sa dernière année.
La plupart des candidats de droite à la présidentielle promettent sa suppression, et même dans une partie de la gauche l’idée fait son chemin, ce qui réjouit le patron du Medef Pierre Gattaz. "Ils (les politiques) osent parler de la suppression de l'ISF, ce qui était inconcevable il y a deux-trois ans ».
La suppression de l’ISF, une idée inconcevable il y a deux ou trois ans. C’est vrai ou c’est faux ?
Ce n'est pas tout à fait exact. La suppression de cet impôt, des milliers de gens l’ont évoquée depuis sa création en 1982. Manuel Valls lui-même dès 2010, l’actuel premier ministre, affirmait qu’il voulait l’abroger, une déclaration sur Canal +, volonté confirmée dans son livre L’énergie du changement un an plus tard, page 103 : je propose sans tabou de supprimer l’ISF, "peu rentable et source d’injustice." Ce qui est vrai, c’est qu’Emmanuel Macron, qui propose la même chose, n’existait pas encore, et que Valls était bien seul dans la sphère politique. Pourquoi ? Parce cet impôt, c’est LE symbole par excellence. Mitterrand l’a créé pour l’image en 82, pour montrer que les + riches devaient aider les pauvres. Chirac l'a supprimé lors de la première cohabitation, et quand Rocard l’a rétablit, c’était pour financer le RMI, le revenu minimum d’insertion. La droite s’est persuadée que c'est à cause de cela (la suppression de l’ISF) qu’elle a perdu les élections. Et le tabou, s’est figé. L’impôt est mal ficelé, même Roccard l’a reconnu, cela n’a pas empêché Alain Juppé de l’augmenter, en 1995, et personne, pas même Nicolas Sarkozy en 2007, n’a osé aller jusqu’au bout. Il l’a fortement réduit, ce qui lui a valu l’étiquette de président des riches. Deux français sur trois refusent toujours qu’on le supprime. Donc imaginez, pour que toute la droite, ou presque, et même certains à gauche, veuille maintenant l’enterrer, il a fallu que le vent tourne.
Justement Géraldine, qu’est-ce qui a changé.
Ce qui a changé Thomas, c’est que les finances vont mal. On frise les 100% d'endettement, 43 000 foyers fiscaux de millionnaires sont partis depuis 2000. Cet impôt, s'il rapporte chaque année 5 milliards à la France coûte bien davantage en perte d’activité. Ce sont des propriétaires d’entreprises qui les vendent à l’étranger, des actionnaires qui investissent moins parce qu’ils sont taxés. Le nombre de millionnaires qui paient l’impôt sur le revenu a fondu depuis 2012, 33% de moins. Or il faut se rappeler qu’en France 2% des français seulement acquittent 40% de l’impôt. Voilà pourquoi le tabou est en train de se briser, l’idée n’a jamais été inconcevable mais c'est la première fois, c’est vrai, qu’elle est si répandue.