Axel de Tarlé, Géraldine Woessner et Sophie Larmoyer font le point sur l'actualité du jour.
Axel de Tarlé, expert économie
Philipp Morris envisage d'arrêter de vendre des cigarettes.
Le N°1 mondial du tabac affirme vouloir devenir le champion des produits de substitution (type "cigarette électronique") et arrêter de vendre des cigarettes classiques.
Philipp Morris qui ne vend plus de cigarettes, c'est crédible ?
Ce sera dans très longtemps car aujourd'hui, la cigarette électronique représente moins de 1% du marché.
La réalité des chiffres, c'est qu'aujourd'hui, Philipp Morris vend dans le monde, 850 milliards de cigarettes, chaque année.
Mais, c'est un marché qui recule de 2 à 3% au niveau mondial.
Vous savez que certains pays, comme l'Australie ou la Finlande, veulent interdire définitivement le tabac dans leur pays, qui deviendrait donc illégal.
Donc, Philipp Morris a besoin de s'inventer un nouvel avenir, de nous raconter une autre histoire, ne serait-ce que pour convaincre les marchés financiers.
Philipp Morris, nous promet donc l'avènement de la cigarette propre, de la cigarette électronique, du vapotage.
Mais ça reste nocif, la cigarette électronique. On ne peut pas parler de "cigarette propre" ?
C'est beaucoup moins nocif que la vraie cigarette, parce qu'il n'y a pas de combustion qui dégage des fumées toxiques.
C'est bien mieux sur le plan sanitaire. Et puis, ça aide les gens à s'arrêter.
Et d'ailleurs, c'est là le gros problème sur le plan économique, c'est ce que c'est un produit de substitution. les gens qui vapotent ont pour objectif de s'arrêter définitivement.
Ce n'est pas un marché de conquête, les jeunes ne se mettent pas subitement à vapoter.
Il n'y aura pas de génération de nouveau vapoteur.
Donc, économiquement Philipp Morris reste dans une impasse, la cigarette électronique n'est qu'un pis-aller qui accompagne la fin du tabac.
Sophie Larmoyer, experte international
Amnesty international publie un rapport très embarrassant pour certaines multinationales qui commercialisent des produits contenant de l’huile de palme. Huile de palme produite, selon l’ONG, au mépris des droits humains, et en particulier d’enfants.
Ces géant de l’agroalimentaire et des cosmétiques, ce sont par exemples Neslé, Unilever, Kellogg’s ou Colgate-Palmolive, neuf multinationales au total, qui nous vendent du chocolat, de la margarine, des esquimaux ou encore nos shampoings, savons… etc.
Et ces grandes marques achètent leur huile de palme, entre autres au 1er producteur mondial du secteur, le singapourien Wilmar, qui exploite des plantations de palmier à huile en Indonésie.
Et qui exploite surtout des enfants ?
Oui Amnesty a enquêté sur place et rencontré 120 ouvriers dans ces plantations. Il y a des enfants, de 8 à 14 ans, qui transportent des sacs de 12 à 25 kgs, qui travaillent sans protection en présence de pesticides. Des enfants qui ont quitté l’école pour aider leurs parents. Les salaires sont aussi dénoncés, 2,30 euros par jour pour des femmes exploitées, avec des contrats journaliers sans couverture sociale. On les menace de ne pas les reprendre si elles râlent. Tout ce que pointe le rapport d’Amnesty est en infraction avec le droit du travail indonésien mais il n’y a pas de contrôle. Et l’ONG souligne la responsabilité des grands groupes qui achètent cette production sans se poser de question.
Mais il n’existe pas de règles internationales qui obligent ces grands groupes à se préoccuper des conditions de production de leurs produits ?
Si, il existe ce qu’on appelle les "principes directeurs" des Nations-Unies, adoptés en 2011. Ce sont des recommandations mondiales sur le respect des droits humains, mais elles ne sont pas contraignantes.
Et dans ce domaine, figurez-vous que la France pourrait bien être pionnière puisqu’une proposition de loi a été adoptée avant-hier à l’Assemblée. Il reste néanmoins une navette parlementaire pour qu’elle entre en vigueur. Cette loi obligera les très grandes entreprises à mettre en place un "plan de vigilance" pour prévenir les atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement de la part de leurs sous-traitants. Pour qu’on n’entende plus : "ah on ne savait pas".
Géraldine Woessner pour le Vrai faux de l'info
Le vrai-faux de l’Info avec Monseigneur Olivier Ribadeau-Dumas, invité hier sur notre antenne.
Le porte-parole de la conférence des Évêques de France a livré son avis sur l’avortement, condamné par l’Église. Mais il s’est aussi défendu, après la victoire de François Fillon à la primaire de la droite, de toute ingérence politique.
Monseigneur Olivier Ribadeau-Dumas : "L'Église n'a jamais donné de consigne de vote depuis des années et des années"
L’Église ne donne plus de consignes de vote depuis des années, c’est vrai ou c’est faux ?
C’est vrai. Une neutralité qui trouve ses origines aux 19e siècle, quand le pape Léon 13 appelle les Catholiques de France à accepter la République. Elle sera gravée dans le marbre des années plus tard en 1972. Cette année-là, dans le sillage du concile Vatican II qui reconnaît aux catholiques la liberté de conscience, les Évêques de France reconnaissent officiellement le pluralisme politique au sein de l’Église. Et le texte qu’ils adoptent est très clair, ils ne donneront plus de consignes. Alors évidemment, cela ne sera pas toujours respecté car on se souvient de l’appel de ce prêtre du couvent des dominicains à Paris à voter Mitterrand en 1974. Il avait dit : "je veux ce soir, des roses et du pain". D’autres peuvent envoyer des messages subliminaux à leurs ouailles, cela existe toujours, cela reste marginal.
Donc plus de consignes de vote. Mais est-ce qu’il reste des influences ?
Évidemment. Jusque dans les années 60, l’Église en lutte frontale contre la gauche laïque, appelle clairement à faire barrage aux marxistes. Cela change en 1968 quand elle s’oriente vers l’ouverture au monde et la lutte contre la pauvreté. La jeunesse et les élites catholiques virent à gauche autour de figures comme Jacques Delors.
Dans les années 90 également, de nombreux évêques prennent clairement position contre le Front national qui tente de récupérer leurs valeurs. Le racisme de Jean-Marie le Pen est jugé contraire à l’évangile, violemment rejeté, et même si ces critiques ont cessé depuis le mouvement de normalisation entamé par Marine Le Pen, il en reste tout de même quelque chose. Les catholiques pratiquants votent toujours un peu moins Front national que la moyenne des français.
Aujourd’hui, pas de consigne de vote, mais des influences, toujours. Les Évêques de France ont d’ailleurs publié en octobre une liste de critères pour aider les électeurs catholiques à choisir. Le texte rappelle les traditions "d’accueil et d’intégration de cultures différentes" du christianisme, certains y ont vu un appel au vote Alain Juppé.