Chaque samedi et chaque dimanche, l'avocat Roland Perez fait le point sur vos droits.
Bonjour Roland, un sujet délicat ce matin avec vous, le cyberharcèlement et l’anonymat des harceleurs ! On se rappelle à cette occasion de la condamnation récente d’un étudiant en philosophie qui avait harcelé sur la toile, la journaliste Nadia Daam après une chronique sur cette même antenne, chronique qui lui avait déplu, et la décision a été rendue il y a peine trois semaines, vous nous la rappelez ?
Le prévenu, dénommé sur la toile Charly.V, dont l’identité n’a été retrouvée qu’après un an d’enquête, a au final écopé, le 20 mars dernier, pour des propos d’une violence inouïe à l’égard de la journaliste, de cinq mois de prison avec sursis et 2.500 euros pour préjudice moral.
Vous nous dites que l’enquête a mis un an pour obtenir la véritable identité de l’auteur du cyberharcèlement, ça parait fou, pourquoi ? Et que dit donc la loi dans cette situation ?
Il s’avère que la loi française doit s’accommoder des réseaux sociaux qui n’ont pas pignon sur rue en France ou en Europe, mais plutôt aux États-Unis. D’où la difficulté de faire appliquer la loi française ou européenne, car il faut vraiment s’assurer du concours des opérateurs du web pour obtenir les données d’identification de l’auteur d’un contenu illicite. Et comme c’est rarement une communication spontanée, il faut donc se tourner vers l’autorité judiciaire.
Alors justement, dites-nous comment faire en pratique, car on le sait, c’est l’anonymat qui prédomine sur la toile et qui du coup permet parfois tous les excès.
En pratique il faut faire une requête en communication de données auprès d’un juge afin que celui-ci ordonne à l’opérateur concerné, les données d’identification en sa possession concernant l’auteur du contenu illicite.
Cela parait assez simple et pourtant, j’ai comme l’impression que ça ne l’est pas du tout pour la victime ?
En fait il y’a deux textes dans la loi française qui permet d’obtenir gain de cause : la loi pour la confiance dans l’économie numérique et le code des postes et des communications électroniques. La LCEN va s ‘appliquer aux fournisseurs d’accès à Internet et aux sites hébergeurs qui ont l’obligation de conserver pendant un an les données des intervenants sur la toile et les communiquer sur requête de l’autorité judiciaire. Mais attention ne sont visés que les contenus accessibles par tous et pas les contenus issus de messagerie privée. Pour ces messages qui peuvent être nuisibles et violents, c’est alors le code des postes et des communications électroniques et qui s’applique : emails, Messenger, Whatsapp…
Roland, pour bien comprendre et conclure votre propos, peut-être pourriez-vous nous donner des exemples concrets ?
Bien entendu, prenons le cas d’un mail indélicat dénigrant les produits ou services d’une entreprise. C’est le code des postes qui va s’appliquer et ce, dans la mesure ou un courriel reste une correspondance privée. En outre, l’entreprise ne pourra pas obtenir les données de l’auteur car le dénigrement ne constitue pas une infraction pénale - qui seule permet en matière de messagerie privée d’obtenir la levée de l’anonymat. Dans le cas en revanche d’un cyberharcèlement sur un réseau social par un inconnu (dans la mesure où le message peut être lu et ou accessible par tous) la requête en identification marchera, et la société sera contrainte de communiquer l’identité du compte.
Même chose dans le cas d’injure ou de diffamation via toujours un réseau social, là aussi la société qui édite, publie et communique les propos, sera tenu de fournir les éléments du compte.