Hélène Romano analyse psychiquement le cas de la mère infanticide de Berck-sur-mer.
Hélène Romano, psychothérapeute spécialisée dans le psycho traumatisme, experte auprès des tribunaux.
Ses déclarations :
"Pour comprendre le geste de cette femme, il faut rappeler que devenir parent est une révolution dans l'économie psychique. Il va falloir s'ajuster en permanence à cet enfant, un accordage affectif très compliqué pour certains parents qui vont être en vraie souffrance dans ce lien parental. Des parents n'y arrivant pas et, se sentant impuissants et dépassés, vont tuer leur enfant. Quand ça craque, avec ce sentiment d'isolement psychique, pas forcément amical ou social... Cette mère est l'image est à l'image de certaines mères que l'on retrouve en cour d'assises : bien insérée, bon niveau intellectuel, bonne situation, mais dans le niveau psychique, dans le processus maternel, elles sont toutes seules."
Y'a t-il des signes ?
"Des mères qui craquent, qui disent qu'elles n'en peuvent plus. En expertise, elles disent avoir tenté d'appeler à l'aide, et ne pas avoir été entendues par un entourage qui banalise beaucoup. Quand ça se répète, il faut savoir l'entendre sinon on est dans le déni, et la personne culpabilise. Il faut trouver des relais : professionnels, entourage..."
Cette femme n'a pas l'air d'être folle...
"Non, il semble qu'elle ait bien préparé son geste. Elle a tué sa fille à distance, loin du domicile, très important au niveau du mode opératoire. Elle accède quand même à une certaine culpabilité, ce qui n'est pas le cas de toutes les mères, ce qui l'humanise."
Pourquoi n'a t-elle pas réagi en voyant sa fille se noyer ?
"Car il y a un court-circuitage, le lien maternel est court-circuité, un déni d'altérité. Ce n'est plus sa petite fille qu'elle voit mais un objet ! Le lien qui lie à l'enfant est sectionné ; si personne d'extérieur n'est là pour le restaurer, tout est possible."
"Il est possible qu'elle commence à réaliser ce qu'elle a fait. Il est possible qu'elle ait bien réfléchi avant, sans trouver d'autre issue : l'enfant devient comme une dette, c'est comme un suicide personnel. Elle se suicide en tant que mère, elle met fin à sa vie de femme en partie. Elle se suicide par procuration : c'est une mort psychique à deux niveaux."
La prison, c'est la solution ?
"Ce n'est pas que la solution. Il faut acter les choses au niveau judiciaire quand un enfant est tué, mais il sera aussi très important de travailler avec elle, faire un travail thérapeutique, comprendre, mettre en mots, mettre du sens."
"Dans mon travail, j'essaie d'humaniser la rencontre pour essayer de comprendre. Si on les voit comme des monstres, on va rester à côté de leur logique psychique."
Cette affaire est banale ou exceptionnelle ?
"Elle reste rare. Par contre, les profil de parents à bout psychiquement qui tuent leur enfant, avec une agonie dans le lien parental, oui, ça existe, malheureusement."