A huit jours de l'élection présidentielle, les électeurs du milliardaire sont plus jamais derrière leur candidat. Mais qui sont-ils ?
Notre rendez-vous, tous les dimanches matin, "American Breakfast", le journal de la semaine en Amérique. On part prendre notre petit déjeuner à New York avec notre correspondant aux États-Unis, Xavier Yvon. Aujourd’hui, un "American Breakfast à plat unique", puisqu’on est à huit jours de l’élection présidentielle.
Je vous propose d’essayer de comprendre qui sont ces Américains qui soutiennent Donald Trump, pourquoi ils votent pour lui. Pour ça, direction la Caroline du Nord, où Donald Trump donnait un meeting cette semaine. Quand on roule à travers la Caroline du nord, ses arbres aux feuillages fauves, ses églises et ses vendeurs de caravanes, il suffit d’allumer la radio pour bien comprendre que vous êtes dans un "Swing State", un de ces États indécis très disputés. Vous êtes inondés de pub politique : Clinton qui promet aux familles pauvres d’augmenter le salaire minimum, ou Trump qui vante son programme pour les populations noires.
Nous sommes allés à la rencontre des partisans de Donald Trump. Ce qui est frappant d’abord c’est que dans la foule de plusieurs milliers de personnes, il n’y a pratiquement que des Blancs, tous les âges, des familles... Beaucoup portent les fameuses casquettes rouges avec le slogan de Trump "Make america great again", "rendre sa grandeur à l’Amérique". Ce sont eux, le "petit peuple de Trump", ces fans du mur promis à la frontière mexicaine. L’immigration leur fait peur dans ce pays où les Blancs ne seront plus majoritaire d’ici 2050.
Plus précisément, qui sont-ils ?
On trouve bien sûr les fans "jusqu’au Trumpistes", les caricatures, ceux qui assument les propos sexistes ou racistes, et qui en rajoutent, comme ce retraité, qui se croit drôle quand on l’interroge sur les obscénités proférées par son champion : "Il aime les femmes, ça prouve qu’il n’est pas homosexuel, ça veut dire que c’est un homme bien". Ça se passe de commentaires.
Quand on leur demande quelle est leur principale raison de soutenir Trump, il vient très vite chez beaucoup la détestation profonde pour Hillary Clinton. Pour eux, elle représente ce système politique cassé, corrompu, trop loin de leurs préoccupations quotidiennes. Elle devient un bouc-émissaire, accablée de tous les maux. "Elle veut nous retirer nos armes", dit un retraité. Faux : Hillary Clinton veut seulement un contrôle plus strict pour les individus soupçonnés de terrorisme. "Elle est d’accord pour les avortements à neuf mois de grossesse", dit une jeune fille. Faux encore : ce n’est pas dans son programme, mais les Trumpistes n’en démordent pas. "Elle ment tout le temps", dit un autre homme. Elle est pour eux l’incarnation du mal.
Pour tous, Donald Trump est le sauveur de l'Amérique ?
Exactement. Il n'y a pas que la haine de Clinton qui les pousse dans les bras du milliardaire populiste, loin de là. Prenez Walt : il a soutenu Bill Clinton président, il a voté deux fois pour Obama. Mais il a le sentiment que les démocrates l’ont "laissé tomber". Il y a des années il a travaillé dans un casino d’Atlantic City pour Donald Trump et il en gardé le souvenir d’un bon patron. Aujourd’hui, Walt dirige sa propre PME de DJ pour les mariages. Et s’il a choisi Donald Trump c’est pour redresser l’économie du pays : "Il faut un type doué pour le business parce que ce pays est une grande entreprise", explique Walt. Et comme il est riche, Donald Trump ne peut pas se faire corrompre comme tous les politiciens, il sera indépendant et sans concession. Ce que dit de manière un peu triviale le t-shirt que Walt vient de s’acheter : "Dans le dos, il y a marqué 'on a besoin d’un président avec des couilles' et c’est ça aussi qui plait à Walt : Donald Trump n’est pas politiquement correct, il dit ce qu’il pense sans filtre".
"Il est notre voix à nous la majorité silencieuse", m’a dit aussi un couple de restaurateurs, Tony et Renée, touchants dans leur désespoir. Ils ne s’en sortent pas, ils ne gagnent pas assez pour se permettre une assurance santé et pourtant ils ont participé financièrement à sa campagne : "J’ai donné de l’argent quatre fois. Je n'avais jamais fait ça", dit Renée la voix tremblante. "Je vais pleurer s’il n'est pas élu".
Malgré des mois de sondages qui le placent derrière Clinton, ils pensent que Trump peut encore gagner ?
Oui, puisque de toute façon les sondeurs, comme les médias, mentent pour défendre le système. A cette question tous ont la même réponse : ils montrent la file d’attente interminable pour rentrer dans le meeting : "Regardez les sondages, regardez tous ces gens et dites moi si les sondages sont bons !". Et si Trump ne gagne pas, beaucoup prédisent des troubles. J’ai même entendu les mots "révolution" ou "guerre civile". Tony, le restaurateur en est persuadé : il faudra bien se barricader chez soi le 9 novembre, lendemain de l’élection, si Donald Trump n’est pas élu.