Aujourd'hui, on part au musée avec les enfants, car l’art est aussi un chemin de développement personnel. Objectif : se laisser toucher par le beau.
Anne, vous avez décidé de nous emmener au musée.
C'est bien beau de lire à outrance des livres sur la méditation, sur le développement personnel ou sur le coaching, qui nous disent comment faire pour aller mieux, quoi dire à son enfant, quoi faire pour changer de vie. Toujours est-il qu’on n’a encore rien fait de mieux que la nature (et l’art qui tente de l’imiter) pour se laisser traverser par plus grand que soi, pour nourrir notre esprit. Alors certes, le mercredi, d’habitude, je vous parle d’éducation positive, et d’enfant intérieur. Eh bien cette fois-ci, j’ai décidé de revenir aux fondamentaux.
Certains, quand ils ont un petit coup de mou, ou un passage à vide, écoute de l’opéra très fort, d’autres dansent jusqu’au bout de la nuit et mettent leurs corps en mouvement, d’autres encore marchent en forêt, certains font des tours de périph', fenêtre ouverte, avec la même chanson en boucle.
Pour ma part, quand la vie vacille, quand je me sens mélancolique, je pousse la porte d’un musée ou d’une galerie, et je me plonge dans les peintures, dans les couleurs. Je crois que c’est l’une des activités qui me remplit le plus au monde et qui ne coûte pas grand chose si on se renseigne sur les jours de gratuité des musées. "S’approcher du beau", admirer, décortiquer l’œuvre de ceux qui nous montrent la voie, qui ont osé jouer les alchimistes, qui ont a osé transmuter leur douleur, transformer le plomb en or et rester plantée une heure en larmes devant une toile immense abstraite de Gerhard Richter, par exemple (cet Allemand, artiste le plus côté de tout l’art contemporain à l’heure actuelle dont je vous invite vivement à découvrir le travail si vous ne le connaissez pas. L'idée est de voir comment il a transformé toute son histoire familiale tragique (tous ses proches ont terminé en camps de concentration), comment il a transformé ce drame intérieurement, pour livrer sur la toile, quelque chose de sublime et l’offrir au monde
Vous êtes donc allée au Musée Jacquemart-André, à Paris.
Oui, pour y découvrir le travail de Mary Cassatt, l’une des rares femmes peintres impressionniste et de ses si émouvantes toiles intimes de mères et d’enfants. Ou comment une simple visite au musée, peut se transformer en leçon de développement personnel, enfin en "leçon", pour celui qui l’expérimente. Parce qu’il s’agit justement d’éveiller le sens de la vue. Mais aussi, tous les sens, les couleurs, et d’y déceler l’une des règles fondamentales de la peinture : l’alternance de couleurs froides et de couleurs chaudes sur une toile. Vous savez, les couleurs dites "chaudes", ce sont celles qui comportent du jaune dans leur composition et toutes les autres couleurs sont qualifiées de "froides".
Et c’est exactement comme cela que l’on peint, pour donner du relief, en alternant couleurs froides, aux couleurs chaudes, une touche de "vieux rose" qui est une couleur chaude, à côté d’une touche de "rose layette" qui est une couleur froide. Dans le taffetas d’une robe sur un portrait de reine par exemple, s’enchaînent des touches de pinceau de "rouge tomate" (couleur chaude) et rouge framboise (couleur froide). Un peu comme dans la vie au fond, la vie qui nous souffle le chaud et le froid.
Je me souviens de cette phrase qui disait qu’à force de s’approcher du beau, à force de guetter la beauté, un peu partout dans sa vie, dans les musées, on en ressortait forcément toujours un peu plus beau justement, un peu changé. Qu’à force d’emmagasiner toute cette beauté, on affûtait son œil, on le préparait à voir le beau dans sa vie, à le chercher sans cesse, partout, tout le temps, dans le quotidien, dans les petites choses, et même dans les plus sombres. Se voir comme dans un tableau, et en cessant de se concentrer sur les couleurs froides, réaliser qu’à côté de chaque petite touche au pinceau de couleur froide, se niche juste à côté, une touche de couleur chaude, celle qui contient le jaune de la joie.