Dans "La vie devant soi" lundi, Anne Cazaubon revient sur notre rapport aux animaux.
Les animaux. Ils font parfois le job à notre place. Lequel ? Celui de nous reconnecter à notre part de vivant, de nous aider à comprendre que nous sommes tous reliés les uns aux autres. Et nous aider à comprendre que ce que je fais à l’autre, c’est en réalité, à moi que je le fais, tout comme ce que je fais aux animaux également.
"Se couper d’une partie de soi". Quand j’étais petite, on avait des cochons d’Inde à la maison. Autant vous dire que je les adorais et que je m’en occupais beaucoup. Sauf qu’un jour, peu de temps après la naissance d’une portée, la maman est morte subitement et les petits, les uns après les autres, ont rendu l’âme, faute de lait. À l’époque, j’ai passé des heures à leur confectionner des petits cercueils dans une boîte à chaussures, à fabriquer une croix en bois, avec leur nom gravé dessus.
Avec mes frères et sœurs, nous avons recouvert ce mini-cimetière d’un tapis de fleurs et ce jour-là, j’avais ressenti et expérimenté tant de tristesse que je me suis jurée de ne plus jamais m’attacher pleinement à un être humain, de peur de souffrir à nouveau. En langage de "développement personnel", ça s’appelle "se couper d’une partie de soi". Ce jour-là, j’ai renié, rejeté, étouffé, cette part de "vivant" qui ne demandait qu’à s’exprimer.
"Au nom de quoi cet agriculteur s’autorisait-il à capturer cette pie ?" Et puis, parfois, la vie vous renvoie le caillou que vous aviez envoyé très loin il y a plusieurs années, comme une invitation à réparer, comme un appel à voir où l’on en est sur ce chemin-là. Alors, quand le week-end dernier, en promenade avec des amis à la campagne, s’est trouvée là, devant nous, cette cage dans laquelle se débattait une pie, on s’est tous regardés.
Au nom de quoi cet agriculteur s’autorisait-il à capturer cette pie ? On est passé devant ce champ plusieurs fois. À chaque fois, on s’est regardé, en se disant qu’on ne se sentait pas très bien. La pie se débattait et appelait au secours. Alors un peu plus tard, on y est retournés. Il n’y a pas de mot, pour vous dire la libération intérieure que l’ouverture de cette cage a provoqué en chacun de nous. Oui, l’amour des animaux, nous humanise. Les chérir, tenter de dialoguer avec eux nous permet d’élargir notre conscience, et de repenser notre place dans le monde.
"Aimer les animaux, c’est aimer tous les êtres vivants sans discrimination". Oui la relation que j’entretiens avec un animal, peut m’aider à savoir où j’en suis dans ma vie. Est-ce qu’il est là pour combler un manque ? Peut-être qu’un bébé tarde à venir dans ma vie ? Peut-être que je traverse une période de deuil ?
C’est le philosophe Plutarque, qui dès l’Antiquité, nous parlait de notre lien aux animaux en nous disant : "celui qui est doux, qui se conduit avec tendresse envers les créatures non-humaines, ne saurait traiter les hommes de manière injuste". Oui, aimer les animaux, c’est aimer tous les êtres vivants sans discrimination.