Chaque samedi et dimanche, François Clauss se penche sur une actualité de la semaine écoulée. Aujourd'hui, le refus d’Adrien Rabiot d'être réserviste sur la "liste des 23" de Didier Deschamps.
"Clauss toujours", l'humeur de François Clauss, tous les samedis et dimanches matins à 8h55 sur Europe 1. Bonjour François.
Bonjour Wendy,
Il faut sauver le soldat Rabiot. Rabiot, l'homme qui a osé dire non publiquement à Didier Deschamps, n'acceptant pas son statut de réserviste au sein de l'équipe de France. Que n'a-t-on pas lu ou entendu sur lui cette semaine. Nouvelle tête de turc de la pseudo intelligentsia médiatique, celle-là même qui fêtait les blacks-blancs-beurres en 1998 qui n'a plus remis un pied dans un stade ou ouvert le journal L'Equipe depuis.
"Sale gosse, enfant gâté", qui souillerait le maillot tricolore, comme si à chaque occasion, il était trop tentant de faire ressurgir les fantômes du bus de Krysna. On a toujours aimé détester un footballeur en France. Les plus anciens se souviendront du Lyonnais Chieza des années 70 : Ginola, Cantona, Anelka. Et aujourd'hui, Adrien Rabiot. Oui, Rabiot, à 23 ans, gagne 280.000 euros par mois. Oui, Rabiot a la chance de vivre le destin d'un footballeur doré.
Mais ce destin, il se l'est forgé, lui, le gamin du Val-de-Marne. Si loin de cette image d'Epinal de l'enfant gâté. Son père, terrassé par un AVC lorsqu'il entrait dans l'adolescence, survit plus qu'il ne vit dans une institution médicale. Il porte, sur ses pieds en or de footballeur surdoué, le sort de sa maman, qui élèvera seule trois enfants. Sa maman omniprésente, qui est devenue son conseiller et son agent.
Repéré dès le plus jeune âge par tous les grands clubs européens, Rabiot, à l'âge de 13 ans, se retrouvera au nord de l'Angleterre, à Manchester. Il claquera la porte au bout de six mois, quand il prendra conscience que les promesses de contrat pro ne seraient pas tenues. Il refusera d'aller en Italie, pour porter le maillot de son cœur, celui du PSG. Il sera de toutes les équipes de France : les moins de 15 ans, les moins de 17 ans, les moins de 19 ans. Cette équipe de France qui est sa passion. Cette Coupe du monde qui est son rêve de gamin écorché vif.
Adrien Rabiot, le seul qui osera répondre au grand Zlatan, lorsque celui-ci le sermonnera en plein match de préparation aux Etats-Unis en 2015. Lui qui fut l'un des 5 meilleurs joueurs du Paris-Saint-Germain cette saison, tout en gagnant deux à trois fois moins que ses camarades de jeu sur la pelouse, ne comprend pas les critères du sélectionneur, et il le dit. Peut-être, lui qui fut privé de papa à l'adolescence, a-t-il aujourd'hui besoin de tuer le "père" Deschamps.
Non, Rabiot n'est pas un sale gosse du bus, comme on voudrait nous le faire croire trop rapidement. Et c'est peut-être parce qu'il aime trop cette équipe de France qu'il le dit aujourd'hui. Aussi maladroite, aussi contestable soit sa réaction, expression d'un orgueil et d'un ego quelque peu surdimensionné (mais comment réussir dans le foot sans ego ?), aussi contestable soit-elle, dans ce monde du foot moderne où tout est communication, où l'on est obligé de s'afficher le petit doigt sur la couture du maillot tricolore, Rabiot détonne. Qu'il ouvre sa gueule a quelque chose de régénérant. Ne le brûlons pas trop vite. La gueule d'ange du foot français ne mérite pas d'en devenir le nouveau démon !