Chaque samedi et dimanche, François Clauss se penche sur une actualité de la semaine écoulée. Aujourd'hui, l'élection du président Tchèque.
"Clauss toujours". L'humeur de François Clauss, tous les samedis et dimanches matins à 8h55 sur Europe 1. Bonjour François.
Bonjour Wendy, bonjour à tous et toutes.
Ce sont deux images qui resurgissent de ma mémoire ce week-end. Janvier 1969 : un étudiant de 20 ans s'immole par le feu devant les chars soviétiques qui ont envahi son pays, et bouscule les consciences du monde entier. Décembre 89 : un petit homme timide et moustachu qui sort de ses livres et apparaît sur un balcon devant une foule immense qui deviendra le premier président de la Tchéquoslovaquie, et réveille les espoirs du monde entier.
Deux images à 20 ans d'intervalle pratiquement au même endroit, la Place Wenseslass de Prague. Et si ces deux images resurgissent, un demi-siècle après le sacrifice de Yann Palac et 30 ans après le triomphe de Havel, c'est parce que dans une indifférence et un oubli total chez nous, on élit ce weekend le prochain président de Tchéquie.
Bien sûr, il n'aura pas la même la place dans l'histoire qu'un Palac ou qu'un Havel. Et pourtant, le signe que va nous envoyer ce wee-end le peuple tchèque sera lourd de conséquences. La Tchéquie, après la Hongrie, après la Pologne, après l'Autriche, va-t-elle à son tour s'ancrer durablement dans un populisme eurosceptique et islamophobe ?
Face à face, le sortant, le vieux Zéman, 73 ans, ancien pourfendeur du communisme devenu totalement russophile et islamophobe et le docte président de l'Académie des sciences, Jiri Drahos, complètement europhile et libéral. Comme en Hongrie, comme en Autriche, comme en Pologne : le vote des villes tournées vers Bruxelles et le vote des campagnes, inquiètes, où ressurgit, presque 30 ans après la chute du mur, la tentation des barbelés. Alors oui, regardons ce qui se passe ce weekend à Prague, à l'aube de 2018, dans cette Europe qui sera tour à tour présidée par la Bulgarie, l'Autriche et la Roumanie, dans cette Europe qui devra bien négocier avec le surpuissant Poutine qui prépare sa réélection triomphale dans quelques semaines, une explosive frontière orientale en Ukraine.
Oui, regardons ce qui se passe à Prague, alors qu'on célébrera cette année le centenaire du brasier de la première guerre mondiale, où 18 millions d'êtres humains perdront la vie, partie d'une simple étincelle dans l'Europe Centrale atomisée. Nous, comme des millions de touristes européens, qui avons tant aimé ou tant rêvé de nous promener avec légèreté sur le Pont Charles ou dans les ruelles pavées qui bordent le magnifique château, regardons ce qui se passe à Prague ce weekend, au pays de Palaç, de Havel et du grand écrivain Kundera : reflet de l'insoutenable fragilité du monde !