Chaque samedi et dimanche, François Clauss se penche sur une actualité de la semaine écoulée. Aujourd'hui, les maternités et les EHPAD.
"Clauss toujours". L'humeur de François Clauss, tous les samedis et dimanches matins à 8h55 sur Europe 1. Bonjour François.
Bonjour Wendy, bonjour à tous et toutes.
Nous sommes à 150 kms de Paris, une préfecture, comme il y en a tant. Une friche en plein centre-ville, un bâtiment de 12.000 m² qui dépérit. C'était la maternité de la ville. Un promoteur qui s'y intéresse enfin. Ce sera demain un EHPAD, établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes.
C'est la France d'aujourd'hui. On ferme les maternités mais où on a jamais eu autant besoin de maisons de retraite. Gestion sociale du début de la vie, de la fin de la vie, portée par le phénoménal progrès de la médecine et des sciences mais dont on ne parvient pas à en financer le coût. Ce sont nos confrères du journal Le Monde qui ont mené l'enquête cette semaine. En 40 ans, la France a perdu deux-tiers de ses maternités. Le jour où ce chiffre était dévoilé, retentissait dans le pays le cri de détresse des aides-soignants et des personnels de santé débordés dans les établissements pour personnes âgées dépendantes.
Jamais on n'a été médicalement aussi efficace pour sécuriser les naissances : on sauve des prématurés de cinq mois, les femmes accouchent à plus de 40 ans. La mortalité infantile continue de diminuer. Mais il a bien fallu rationaliser : on a fermé cette semaine les maternités de Die, dans la Drôme et d'Oloron-Sainte-Marie, dans les Pyrénées Atlantiques et il faut faire aujourd'hui une heure de voiture pour aller accoucher dans une structure équipée de réanimateurs.
Et dans le même temps, on est aujourd'hui incapable d'assurer une fin de vie décente à un million et demi de Français de plus de 85 ans hébergés dans des EHPAD privés, à 3.000 euros par mois, où il faudrait un encadrant pour un pensionnaire. On est à 0,6 et les aides-soignants n'ont plus le temps de faire les toilettes, d'assurer les promenades en fauteuil et deviennent, à leurs corps défendant, des "mal-traitants". Une journée en EHPAD coûte 114 euros par jour et par patient. On estime qu'en 2050, il faudra assumer collectivement la charge de 5 millions de personnes dans ces EHPAD.
Et ce n'est pas en débloquant ici et là quelques dizaines de millions, comme le gouvernement vient de le faire, qu'on résoudra un problème trop longtemps oublié. Souvenez-vous, dans les années 70 c'était l'hospice, l'hôpital public, qui accompagnait les fins de vie. Dans les années 80, on a délégué au privé, dans ces maisons de retraite devenues des résidences, sans anticiper, avec les progrès de la médecine qu'il faut aujourd'hui re-médicaliser parce que les pathologies deviennent de plus en plus lourdes (Alzheimer en tête) et qu'on vit de plus en plus âgé. On gagne aujourd'hui un trimestre d'espérance de vie par an. Qui va payer ce risque de dépendance, le 5ème risque (après la famille, la maladie, la vieillesse, les accidents du travail) : la société ? les assurances privées ? L'Allemagne vient de décider que l'ensemble des salariés travailleraient deux jours pour financer cette dépendance.
Oui, en France on a trop longtemps fermé les yeux. Et aujourd'hui, il est douloureux de les ouvrir. Ah oui, j'oubliais. Cette ville, comme les autres, où l'on va bâtir un EHPAD sur les restes d'une maternité, c'est Amiens, là où est né notre Président d'une France En Marche. Cette France ou la médecine marche plus vite que la politique.