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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Le climat politique est déjà incroyablement tendu et confus. Et voilà que les agriculteurs de la FNSEA et du syndicat des Jeunes agriculteurs menacent le gouvernement de redescendre dans la rue le 17 juin. Pourquoi ce regain de tension ?

Pour une raison très terre à terre. Toute une partie des aides de la PAC ne leur ont pas été payées. Les versements sont en retard de plusieurs mois. Il s’agit des aides pour les exploitations en agriculture biologique et de ce qu’on appelle les MAEC : les mesures agroenvironnementales et climatiques : l’argent que l’Europe verse aux fermes qui ont investi et changé leurs pratiques pour préserver l’eau, la biodiversité, ou pour émettre moins de carbone. Celles qui font ce que la société exige d’elles.

Elles y ont droit. Mais elles ne voient rien venir.

Cet argent, une centaine de million d’euros quand même, les fermes l’attendent depuis des mois. Il correspond à des déclarations PAC faites en mai 2023, il y a 13 mois. Normalement, la France verse ces aides en fin d’année calendaire. Comme il y a un changement des règles de la Pac, un délai était prévu et anticipé. L’Etat, par la voix du premier ministre Gabriel Attal avait promis, en pleine crise agricole, un paiement au 15 mars. Délai pas tenu. On a ensuite dit aux agriculteurs que le 15 juin, tout serait versé. Problème, un grand nombre de fermes n’en ont pas vu la couleur.

Les syndicats agricoles ont posé un ultimatum. Six mois de retard, ça suffit. Si vendredi tout n’est pas payé, ils reprendront les manifs.

Pourquoi cet argent n’est pas versé ?

Il y a plusieurs problèmes, notamment la complexité des nouvelles consignes. Mais l’essentiel des retards vient des logiciels qui sont utilisés dans les départements pour saisir les données environnementales et les faire remonter, pour déclencher les paiements. Iris et Osiris, ce sont leurs noms, sont truffés de bugs. L’administration perd des informations, elle doit revenir plusieurs fois sur les dossiers. Un vrai casse-tête.  Ce n’est pas nouveau, mais avec la mise en place de nouvelles mesures environnementales, c’est devenu ingérable. Tout le monde se renvoie la balle. Les départements, les régions, le prestataire informatique, les services de l’Etat. Merveille de notre millefeuille administratif. Exactement ce que les agriculteurs dénonçaient au début de l’année.

Il y a une chance que le délai fixé par les syndicats soit tenu ?

Non. Selon une enquête interne faite par le ministère de l’Agriculture, qui tente de résoudre le problème depuis des mois, dans le meilleur des cas, à fin juin, il restera 25 % et 40 % des paiements bio à effectuer. Pour les mesures environnementales 30 % à 50 %. On ne parle pas de quelques ratés. On parle de dizaine de milliers de fermes et au bas mot qui attendent l’argent. Et cela met des exploitations dans de grandes difficultés. 

Il reste trois jours pour remettre Iris et Osiris sur pied et apurer le retard, ou les tracteurs ressortiront.