3:46
  • Copié

Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

L’Unédic, qui gère l’assurance-chômage, a publié mardi ses prévisions financières. Elle sera légèrement excédentaire en 2024, 300 millions d’euros, mais sa dette est énorme. 60 milliards. Il va falloir chercher des économies pour rembourser : 400 millions l’an prochain. Il y a peut-être une partie de la réponse à nos frontières.

Oui, il y a une piste : s’intéresser à l’indemnisation chômage des salariés transfrontaliers. Ceux qui résident en France et qui font des aller-retours quotidiens. Qui vers la Suisse, qui vers l’Allemagne, qui vers Luxembourg . Ils travaillent dans ces pays, ils cotisent aux organismes de protection sociale dans ces pays... Mais quand par malheur ils se retrouvent au chômage, c’est l’Unedic qui les indemnise avec ses propres fonds.

Mais les salariés sont indemnisés sur la base de leur salaire frontalier.

Oui. Des salaires qui peuvent être le double ou le triple de ce qu’ils seraient en France pour les métiers en tension. L’Unedic estime que les salaires moyens sont 80% plus élevés au Luxembourg qu’en France, ou 30% en Belgique. Pour la Suisse, c’est carrément le double.

Les salariés transforntaliers français au chômage bénéficient donc souvent d’indemnisation très importantes. Et ça peut atteindre des sommes faramineuses pour les jobs dans la banque, par exemple.  L’Unedic a publié les chiffres... ces indemnisations ont concerné 77 000 personnes l’an passé... Et ça a coûté 800 millions d’euros. A comparer avec les  400 millions d'économies annuelles qui sont demandées à l’Unedic.

Comment est-il possible que ce système ait été mis en place ?

Ca ne partait pas d’une mauvaise idée. En l’an 2000, les Etats européens ont adopté un règlement pour favoriser la circulation des travailleurs, pour uniformiser les règles. L’accord a été étendu à la Suisse. Ca ne posait pas trop de problème à ce moment-là, parce que les écarts salariaux étaient limités.

Mais au fil du temps, l’écart de niveau de vie et de salaires s’est creusé entre la France et ses voisins, le nombre de  travailleurs français transfrontaliers a explosé. Ils étaient 445 000 en 2020, 25% de plus qu’en 2011. La moitié vont en Suisse, 22% au Luxembourg, les autres en Allemagne en Belgique ou à Monaco Logiquement ca a aussi fait exploser le nombre de salariés concernés par les indemnisations chômage en France... Et seulement dans ce sens-là. Le cumul donne le tournis. L'Unedic estime qu’en 24 ans, ce système lui a coûté 9 milliards d’euros !

La France essaie de changer les choses ?

Depuis 2016, elle tente de faire modifier ce fameux règlement européen. Mais la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg, dont 50% de la main-d'œuvre vient d'autres pays d'Europe ne sont pas d’accord. Ils n’ont aucune envie de grever leur budget avec un chômage qu’ils peuvent faire endosser par leurs voisins. Pas juste pour la France... Mais c’est aussi un peu de sa faute. D’une part, parce que la surtaxation du travail incite les salariés à aller voir ailleurs. Et puis, elle indemnise le chômage mieux que ses voisins, ce qui incite les frontaliers à faire durer le plaisir. Il y a une piste pour corriger, indemniser les frontaliers sur la base d’un salaire de référence, plus cohérent avec les standards français. C’est ce sur quoi le gouvernement travaille.