Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
La commission européenne veut harmoniser les règles de commercialisation du cidre entre les 27 pays de l’Union. Ça a l’air simplissime mais c’est un casse-tête incroyable et les producteurs français s’inquiètent. Emmanuel Macron nous raconte cette tempête dans une bolée de cidre.
Aussi fou que cela puisse nous paraître, il n’y a aucune définition commune en Europe de ce qu’est le cidre. Et c’est d’ailleurs pour cela – et notamment pour établir une base fiscale commune- que l’Europe s’y intéresse. Il faut harmoniser, ou au moins essayer.
Et là, les difficultés commencent. Le cidre tel que nous le connaissons est loin d’être un produit partagé.
C’est très évident pour nous, Français. Nous avons une définition précise depuis 1953 : le cidre, c’est une boisson alcoolisée qui est issue de la fermentation de moûts de fruits pressés frais. Des pommes, éventuellement un peu de poires. Cette définition est partagée par les Espagnols. La Sidra, c’est exactement la même chose et c’est aussi encadré par la loi.
En Allemagne, il y a une définition pour ce produit, mais ça s’appelle Apfelwein, vin de pomme. Le Cider existe, mais c’est un faux ami: Cela peut contenir de la pomme, mais aussi autre chose que de la pomme.
Et puis, dans le reste de l’Europe, qui s’appelle Cider, c’est un peu au petit bonheur la chance.
Dans la plupart des pays, n’y a aucune définition de ce qu’est le cidre. Ça rentre simplement dans une catégorie douanière, boisson pétillante alcoolisée avec de la pomme. C’est la seule chose dont on soit sur. Y’a de la pomme.
Dans nombre de cas , comme en Irlande, ou dans les pays nordiques, c'est plus une bière de pomme, brassée. La teneur en fruits est très variable, de 5% à 80%. Ca peut d’ailleurs être du jus de pomme concentré, pas de la pomme fraîche, et il peut y avoir du sucre, des fruits rouges. Le cidre est souvent vendu à la pression, dans les pubs. Pas grand-chose à voir avec notre cidre embouteillé.
Grande inquiétude pour les producteurs français de cidre.
Nervous breakdown, comme on dit de nos jours. Ils sont près de 600, dont 500 très petits et quelques coopératives, chiffre d’affaires 250 millions d’euros. Ils craignent qu’on puisse à l’avenir vendre massivement en France un produit qui s’appelerait “ Cidre”, mais qui coûterait bien moins cher à produire. Une concurrence qui les laisserait éparpillés par petits bouts façon puzzle
Mais le danger est aussi patrimonial. Les pommiers à cidre sont une variété à part, des petites pommes, pas très jolies, acides ou aigrelettes, non traitées et difficiles à vendre pour les croquer. Il y a 12 000 producteurs en France. Parfois, pour de petites quantités, c’est un revenu agricole d’appoint. Un marché du cidre déstabilisé, ce sont des pommiers qu’on arrache, alors que notre verger se rétrécit déjà. Des paysages de Normandie ou de Bretagne bouleversés. Et d’autres production en danger, car faites avec les mêmes pommes : le pommeau et le calvados. Tout ça pour un mot que nous comprenons différemment sur le même continent. Comme on dit dans les Tontons flingueurs : Faut reconnaître, C’est du brutal.