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Hier, les députés français ont voté une résolution qui reconnaît comme un génocide l’épisode de l’Holodomor, qui a frappé l’Ukraine en 1932 et 1933. Un drame mal connu de l’histoire contemporaine.
Holodomor, c’est un mot ukrainien qui veut dire extermination par la faim. Un épisode mal connu de l’histoire ukrainienne : celui de l’organisation, par le pouvoir stalinien, d’une famine qui a fit entre 2.5 et 5 millions de morts dans le pays. L’Histoire de cet Holodomor a longtemps été niée, maquillée, mais l’ouverture de archives à la chute de l’URSS ne fait aucun doute : il ne s’agissait pas d’une des famines endémiques de l’empire soviétique dans les années Trente. C’était une politique délibérée, institutionalisée, visant à briser une résistance nationale en Ukraine, par la faim. Pour ça, les soviétiques ont collectivisé les terres, réquisitionné la nourriture, bloqué les villages, interdit les déplacements
Les députés français reconnaissent donc l’Holodomor comme un génocide.
Une demande forte de l’Ukraine, surtout en ces temps d’invasion et de guerre menée par la Russie. Le Parlement européen l’a reconnu comme Génocide en 2022, comme l’Allemagne, et une trentaine de pays dans le monde. Il n’y avait pas foule, à l’Assemblée, 170 députés. Mais huit groupes ont voté unaniment pour. Deux se sont distingués par leur refus.
Dans le groupe communiste, deux députés ont voté contre, les seuls à s’être exprimés parmi les 22 membres de ce groupe. Il y a encore des fidélités staliniennes dans cette famille politique. Ce qui est beaucoup plus frappant, c’est l’absence des Insoumis dans ce vote. Pas un des 74 membres du groupe parlementaire n’a pris part au vote. Pas un.
Pourquoi ?
Officiellement, parce que, selon eux, l’extermination par la famine n’a pas concerné que les Ukkrainiens, mais aussi d’autres provinces soviétiques Et donc, ce ne serait pas un génocide. "Nul ne peut nier la réalité du crime" mais "s'agissait-il d'exterminer le peuple ukrainien en tant que tel ?", a par exemple demandé le député LFI Bastien Lachaud.
Ça fait bondir les historiens.
Oui, parce que pour la plupart d’entre eux c'est dans des décisions délibérément intentionnellement criminelles que se joue la qualification de génocide. Et s’il y a bien eu des famines organisées ailleurs par le pouvoir stalinien, comme au Kazakhstan, dans les plaines du Don, et du Kouban, en Russie, l’Ukraine a subi des mesures particulières et très spécifiques. Des déportations de paysans pour les faire mourir de faim, par exemple.
Mais alors pourquoi ces pudeurs Insoumises devant cette qualification de génocide.
Sans doute les mêmes qui, depuis le début de la guerre, empêchent les Insoumis à reconnaître les intentions criminelles de Vladimir Poutine en Ukraine. On en veut pas fâcher le dictateur russe. Les députés européens insoumis avaient aussi refusé de voter, quelques jours avant le déclenchement de la guerre, une aide à l’Ukraine. Le RN avait aussi refusé de le faire, mais cette fois, il a voté, lui, sans sourciller la qualification de génocide pour l’Holodomor.
C’est embêtant, quand même, ces scrupules qu’a LFI face aux génocides. En janvier 2022, les députés LFI s’étaient déjà abstenus dans le vote qualifiant de génocide la politique d’extermination des Ouighours menée par la Chine. Mais là encore, ils avaient pinaillé sur le terme de Génocide, qu’il ne faudrait pas “ dévaloriser” au regard des génocides des juifs, des Arméniens et des Tutsis, reconnus par l’ONU.
Pour des gens qui n’ont que la défense des opprimés et des minorités à la bouche, et qui crient à la dictature dès qu’ils en ont l’occasion pour décrire leur propre pays, ca fait quand même désordre.