Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Parmi les revendications des agriculteurs en colère, il y a un besoin d’avoir des perspectives et d’être considérés comme des acteurs utiles à leur pays et non comme des pestiférés.
Savez-vous ce que j’ai fait hier soir? Une revue de presse, comme Olivier de Lagarde (évidemment en beaucoup moins bien), en m’intéressant à un sujet en particulier : les poulaillers.
C’est intéressant, ce que j’ai trouvé. A Plaudren et à Langoëlan (Morbihan), à Variscourt (Aisne), à Bressoles ( Allier), à Neuvy-Sautour (Yonne), à Steenwerck ou à Pitgam (Nord), à Empurany ( Ardèche), au cours des cinq dernières années toujours la même histoire : un projet d’élevage de volailles braque la population, les associations de défense des animaux, les écologistes locaux.
Toujours le même schéma : pétitions, manifs, contestation des permis de construire au tribunal administratif, actions en justice interminables, pour torpiller les projets. Ma liste est non exhaustive
C’est le syndrome NIMBY.
Nimby, acronyme pour not in my backyard, pas dans mon jardin, comme disent les anglais. Je propose de le franciser : le syndrome DAMPI. D’accord, mais pas ici.
Il est devenu quasiment impossible de construire ou d’agrandir un poulailler en France. Cela prend 4, 5 ans de bagarres, sans aucune certitude. Sans compte l’administration qui, après tout ce temps, peut décider de demander le formulaire... Qu'elle n’avait jamais exigé avant.
L’argument des opposants, c’est souvent le refus des “ fermes usines”.
Un argument déraisonnable et facile. Il ne résiste pas aux faits. Les faits, les voilà : la France a les plus petits élevages de volaille de l’Union européenne. Plus de la moitié de nos élevages ont entre 1000 et 10 000 volailles. Un élevage moyen, c’est 40 000 poulets, répartis dans deux hangars... C’est trois fois moins que la moyenne européenne : un hangar, 60 000 bêtes. Ukraine, Brésil, 1 à deux millions de volailles
La France est le pays au monde où l’élevage de poulets sous label, bio, ou plein air est le plus élevé, 20% de la production, ça n’existe nulle part ailleurs. Le poulailler ardéchois dont je vous parlais tout à l’heure devait accueillir 12000 à 15 000 poules, ça n’empêche pas les opposants, de le qualifier de “ méga élevage”. C’est délirant. On appelle “Ferme usine” tout et n’importe quoi.
Cela met les agriculteurs à cran.
Oui : et pour cause. Ils constatent la dégradation rapide de la filière volaille, alors que la consommation croit rapidement. O ne veut pas élever de volailles ici. Alors, on les achète ailleurs. En 2020, on importait 40% du poulet consommé chez nous. En 2022 : 50%.
Les ¾ du poulet mangé au restaurant ou dans les cantines vient du Brésil et d’Ukraine. Il n’est pas produit selon nos standards, ni écologiques, ni sanitaires, ni de bien être animal. Et c’est cela que nous acceptons de voir manger à nos enfants, à cause de notre syndrome “Dampi”
La France refuse de payer le prix de ses exigences.
Oui, parce que le modèle d’élevage français, celui qui est voué aux gémonies, ce sont des petit élevages familiaux, avec des poulets qui grandissent plus longtemps et qui sont en moyenne 20% plus petits. Et pas d’économies d’échelle : les coûts de production sont 5% plus élevés qu’ailleurs en Europe, 30% par rapport au Brésil. Les petits élevages locaux, en théorie, c’est tout bon. Mais même ça, les Français n’en veulent pas. Ils préfèrent mettre dans leur assiette de leurs mômes tout ce qu’ils détestent. C’est du masochisme volailler.