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Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste vient de sortir un petit ouvrage, dans lequel il défend la création d’un «capital républicain», dotation universelle destinée à corriger les inégalités de destin. Il veut lutter contre ce qu’il appelle l’héritocratie.
Capital Républicain, c’est le nom de l’ouvrage. Le présupposé est exact: les enfants des classes populaires font moins d’études que les enfants de cadres supérieurs. Ceux-ci sont trois fois plus nombreux à l’université que les enfants d’ouvriers. La collectivité dépense en moyenne 245 000 euros pour un étudiant à bac+5, et seulement 135 000 euros pour un élève qui a interrompt sa scolarité à 16 ans. Il y a une distorsion de l’argent investi dans la formation des enfants favorisés et des autres. Le constat d’injustice est réel.
Olivier Faure propose sa solution pour compenser cette inégalité.
C’est là que ça se gâte. Il estime qu’il faut donner à ceux qui quittent le système scolaire le capital que les autres ont consommé sous forme d’enseignement.
Ceux qui arrêteraient leurs études à 16 ans recevraient 60 000 euros pour financer une formation, un permis de conduire, ou une création d’entreprise. Le montant serait dégressif; 30 000 euros pour une sortie avant le bac, rien après. « Il ne s’agit pas de financer des vacances au soleil », précise Olivier Faure. Les versements seraient conditionnés à la validité du projet. Montant estimé : huit milliards d’euros, financés par de nouveaux prélèvements sur les droits de succession.
Quels problèmes vous semble soulever cette idée ?
D’abord, une rupture radicale avec une idée fondatrice de l’idéal républicain : le mérite. La belle idée que l’étude doit permettre de s’élever, de sortir d’une condition modeste. Alors, oui, elle est déjà en bien malade, mais c’est une façon de l’achever définitivement.
Financer les sorties du système, qui touchent déjà les plus modeste, c’est acter le renoncement à l’égard des classes populaire. Et pire, pénaliser leur réussite. Fini l’idée des Bourses pour les plus modestes qui encourageaient les réussites. Bonjour la prime au renoncement. Un jeune qui hésiterait à poursuivre son diplôme serait appâté avec un chèque pour y renoncer. Et plus il le fait tôt, plus le chèque est gros.
Donner de l’argent à quelqu’un qui en manque s’il arrête ses études, c’est pervers, c’est même antisocial.
Mais partir avec un capital de 30.000 ou 60.000 euros, c’est peut-être bien ?
Peut-être pour quelques jeunes qui décideront de monter une entreprise. Mais quand on a jeté l’éponge, c’est infiniment plus difficile de reprendre une formation si ça tourne mal. Ce chèque reviendrait à donner un solde de tout compte à des jeunes promis à un avenir de galère : le chèque échec. Le chômage est directement corrélé au fait de sortir de l’école sans formation. Qu’un socialiste puisse suggérer l’idée de créer ce qui est une trappe à pauvreté dont il sera impossible de sortir est navrant.
Connaissez-vous ce proverbe qui dit : si quelqu’un meurt de faim, plutôt que de lui donner du poisson, apprenez-lui à pêcher ? Olivier Faure suggère de lui donner de l’argent non seulement pour qu’il renonce à apprendre la pêche... Mais qu’il sabote lui-même son bateau.