Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
C’est l’histoire d’un film qui a du mal à trouver son public, comme on dit. Et ça fait toute une histoire...
Ce film figure parmi les bides les plus retentissants de 2023. Il s’appelle Avant que les flammes ne s’éteignent, réalisé par Mehdi Fikri. Une adaptation cinématographique de l’affaire Adama Traoré. Cet homme au lourd passé judiciaire qui avait trouvé la mort dans l’Oise, au terme d’une course poursuite avec la police, en 2016. Le film met en scène la chanteuse et actrice Camélia Jordana, dans le rôle de la sœur de cet homme. Elle va lutter au péril de sa famille pour faire éclater la vérité. Camélia Jordana, double de cinéma de Assa Traoré, égérie de la lutte contre les violences policières et le racisme systémique.
Une histoire qui a fait beaucoup parler, une actrice connue incarnant un personnage médiatique. Le film attendu est sorti le 15 novembre. Et ça n’a pas très bien marché.
Euphémisme. 118 copies avaient été prévues, pas énorme, mais pas nul. Le film n’a enregistré que 18.000 entrées la première semaine. C’est très, très peu.
Qu’est -ce qui explique cette contre-performance ?
Si l’on en croit Camélia Jordana, c’est la faute de la fachosphère, qui aurait tout fait pour étouffer un film qui dérange sur les violences policières. Selon Libération, qui consacre un article à l’affaire, l’extrême droite aurait saboté la notation du film sur le site de référence Allo Ciné. elle aurait mené un raid pour lui attribuer peu d’étoiles. Il en a 2 sur 5. Il y a effectivement une forte activité sur la notation du film, le site Allo Ciné a d’ailleurs dû le signaler. Mais que ce soit le fait de l’extrême droite, c’est invérifiable. Les commentaires sont dans leur majorité mitigés, pas spécialement insultants.
Détail croquignolet de l’affaire, Libération, qui dénonce le torpillage de la fachosphère, a attribué lui aussi deux étoiles sur 5 au film, et un commentaire cinglant : parlant de “ violences policées qui ne dépassent pas le stade des bonnes intentions».
Et les accusations de racisme systémiques qui planent, et qui auraient empêché ce film d’être un succès ?
Budget du film : 2.7 millions d’euros, plus d’un tiers assuré par de l’argent public. 500.000 euros par France télévision, 50.000 euros par le fond diversité du CNC et 250.000 euros par la Région grand est, tenue par la droite. 38 euros d’argent public par spectateur. Le système est peut-être raciste, mais il est généreux.
Camélia Jordana n’a pas été oubliée.
Elle a été reçue partout, sur les antennes nationales, à des heures de grande écoute, pour la promo. La presse écrite lui a consacré des dizaines d’articles. Ca ne s’appelle pas être réduite au silence ou ostracisée.
Le film matérialise un décalage. D’un côté, l’engouement médiatique autour d’Assa Traoré, et de l’autre, la vraie vie. Il est possible que les spectateurs en aient un peu soupé des antihéros et ne soient pas très intéressés par l’épopée de la famille Traoré, plus connue pour ses œuvres dans la chronique judiciaire que dans les Cahiers du cinéma. Qu’ils en aient un peu marre, aussi, de l’accusation de racisme systémique dégainée pour un oui pour un non, pour un échec au box office. C’est une hypothèse.