Si l'Irlande ne connaissait pas une pauvreté endémique, repousser la décision de l'Europe serait tentante pour préserver son attractivité.
Dans la presse internationale, Géraldine Woessner, les 13 milliards d’euros que l’Europe réclame à Apple placent l’Irlande face à un choix cornélien. Doit-elle accepter le remboursement de ses impôts impayés, ou au contraire faire appel de la décision de la commission. La décision ne va pas de soit.
Absolument pas et deux interviews dans les journaux le symbolise : alors que Tim Cook, le patron d’Apple, crie son indignation et réclame le soutien du gouvernement, l’archevêque de Dublin, dans les mêmes pages, lance un appel pour une croisade contre la pauvreté, qui explose à Dublin. Cela illustre le dilemme qui paralyse le gouvernement, qui doit prendre sa décision aujourd’hui. Le pays est clairement à la croisée d’un chemin. Soit l’Irlande défend sa politique d’arrangements fiscaux et conteste la décision de la commission, soit prendre l'argent qu'Apple doit. La première option est plébiscitée par la majorité des élites, effrayées à l’idée que le millier d’entreprises étrangères qui font vivre en Irlande 166 000 personnes, s’en aillent vers d'autres cieux. La seconde est plus risquée mais permet d'envoyer ce signal au monde : l’Irlande n’est pas le paradis fiscal qu’on dénonce, en dépit de son taux faible d’impôt sur les sociétés.
12,5 % ?
Exactement. Ce taux d’ailleurs, il n'est pas question de le changer. L’Irlande a déjà promis de cesser les arrangements spéciaux qui ont bénéficié à Apple, mais seulement à partir de 2017. En attendant elle veut préserver son image auprès des entreprises. Les élus indépendants qui soutiennent le gouvernement sont en pleine réflexion : ces milliards sont comme un soleil dans la grisaille ambiante pour l’opinion publique.
Il faut se rappeler que l’Irlande a énormément souffert de la crise. Les inégalités ont depuis explosé : un tiers des enfants vivent dans des foyers qui fleurent avec le seuil de pauvreté : 1 sur 6 ne mange pas à sa faim, ce qui en fait un record en Europe. Il faut se représenter ce que sont ces 13 milliards d'euros pour un si petit pays : un an de dépenses de santé, de quoi construire des milliers de logements sociaux, offrir un toit aux 2000 enfants de Dublin sans-abris...
On comprend que l’Irlande s’interroge.
Quel chemin prendra-t-elle ? Celui qu’elle connaît depuis 1991, et les premiers accords fiscaux concédés pour attirer Apple, et plus tard Google ou Facebook ? Ou un chemin inconnu, mais aussi plus conforme aux exigences nouvelles d’une opinion qui, dans le monde entier, n’en peut plus de ces dumping fiscaux trop longtemps tolérés. La réponse cet après-midi.