Tout est prêt pour le grand débat qui se déroulera près de New York dans la nuit de lundi à mardi.
Ça y est… Le débat tant attendu arrive. Il reste 8 heures 15 minutes et quelques secondes d’après le compte à rebours affiché sur les chaînes de télévision. Ça va se passer à côté de New York, à une heure de là où je me trouve, à l’Université Hofstra. Tout est prêt. La salle de basket a été transformée en studio télé, les pupitres sobres, le fond bleu et rouge, les chaises pour le public, environ 1.000 personnes, qui devront bien se tenir et auront interdiction de réagir pour ne pas gâcher le spectacle retransmis par toutes les grandes chaînes et même les réseaux sociaux. On attend jusqu’à 100 millions de téléspectateurs, un record. Les publicités avant et après valent des millions de dollars. Il n’y en aura pas pendant 90 minutes, ce qui est très rare ici.
Trump fera du Trump. Pour patienter, je vous propose de vous asseoir avec moi en face du très sympathique Professeur Richard Himelfarb qui enseigne les sciences politiques à l’université qui accueille le débat. Pour lui, si toute une nation va s’arrêter pour regarder, c’est surtout parce qu’il y a Donald Trump, l’imprévisible, qui ne fait jamais ce qu’on attend de lui. "Trump devrait essayer d’avoir l’air un peu plus présidentiel, de garder pour lui les trucs dingues qu’il pourrait dire. Il doit montrer aux gens qu’ils peuvent se sentir à l’aise avec l’idée de le voir le doigt sur le bouton nucléaire. Est-ce qu’il va faire ça ? Non. Même s’il le voulait, il en est incapable".
Et puis surtout, Donald Trump ne voit pas pourquoi il devrait changer : ça lui a réussi d’être lui-même. Il est devenu milliardaire et il a gagné la primaire Républicaine contre toute attente. "Il se dit ‘j’ai cassé tous les codes de la politique’, j’ai cassé les règles qui disent qu’on ne peut pas insulter les gens, qu’on ne peut pas dire des choses fausses, que vous devez comprendre les détails d’une politique. J’ai prouvé que tout ça était faux. Regardez, moi, experts en sciences politiques, je me suis trompé sur quasiment tout ce que j’ai prédit pour Donald Trump. Il peut nous regarder et dire ‘voyez, tous ces soi-disant experts… ils ont eu tort, et ils auront encore tort !’", explique le Professeur Himelfarb.
D’ailleurs Donald Trump a déjà fait du Donald Trump. Dimanche, il a menacé d’inviter au débat une ancienne maîtresse de Bill Clinton. Un petit dérapage rattrapé par ses porte-parole. "Non, bien sûr, elle ne viendra pas".
Un match nul ? Et malgré ses erreurs passées, le professeur Himelfarb continu de faire des pronostics. Pour le débat, il voit un match nul et surtout il a un conseil pour vous si vous regardez le débat. "Ce qui est vraiment important dans un débat présidentiel américain, ce n’est pas que le fond et ce que disent les candidats. C’est plus leur style. Si vous voulez vraiment savoir qui gagne et qui perd, coupez le son et regardez comment ils bougent. Regardez comment Hillary Clinton répond quand Donald Trump la critique. Vous saurez déterminer qui gagne et qui perd juste en regardant le langage corporel des candidats", analyse-t-il.
D’ailleurs les moments importants des débats, ce sont des gestes : George Bush père qui regarde sa montre en 1992 ou Al Gore qui soupire et roule des yeux quand George Bush fils parle en 2000. Hillary Clinton serait bien inspirée justement de ne pas montrer de mépris. Même si, en son for intérieur, raconte le New York Times, elle se demande bien comment elle peut se retrouver sur scène avec un gérant de casino star de télé-réalité qui ne connait rien à la politique étrangère.
Peu d'indécis. Et la grande question est de savoir si ce débat changera quelque chose. C’est rarement le cas, sauf exception comme Kennedy face à Nixon en 1960. Il n’y a pas beaucoup d’indécis, seulement 8 %. Ce que peut changer ce débat c’est qu’il peut mobiliser des électeurs pas très enthousiastes comme les républicains qui se disent qu’ils ne peuvent pas voter pour un type comme Trump. Ils peuvent ce soir être finalement convaincu s’ils le voient plutôt modéré et présidentiel. Pareil de l’autre côté, des jeunes démocrates qui ne se reconnaissent pas en Hillary Clinton peuvent être touchés si elle fend l’armure ou se décider à y aller pour barrer la route à Trump s’il donne l’impression qu’il sera dangereux pour le pays.