Les chênes sont capables de migrer de 500 mètres par an grâce aux piquants des bogues de châtaignes qui s'agrippent à la toison des animaux et se disséminent dans les sous bois.
La migration des chênes
Quand on pense à la migration sauvage, on imagine tout de suite de grands troupeaux d’animaux terrestres qui voyagent sur de longues distances, d’immenses rassemblements d’oiseaux qui s’envolent pour un autre contient. Mais la migration ne concerne pas que les animaux. Il existe une toute autre migration à laquelle on ne songe pas, qui pourtant est aussi importante. Il s’agit de la migration des plantes. Surprenant n’est-ce pas ? Et pourtant, quand on y réfléchit de plus près, cela parait évident. Cette migration végétale est peut-être beaucoup moins rapide et visible qu’un vol de bruants des neiges ou un troupeau de gnous au galop, mais elle est tout aussi spectaculaire.
Tout le monde connait les châtaignes, et nombre d’entre nous se sont déjà promenés dans les forêts pour en ramasser. Ce sont des fruits qui sortent de l’ordinaire par la bogue hérissée de petits piquants qui les enveloppe. Cette armure de feuilles, qui joue un rôle de protection des graines, assure également la dispersion de ces dernières ! En effet, il n’est pas rare que les bogues s’emmêlent dans les poils des cerfs, des biches, des sangliers ou même des chiens qui passent à proximité. Les graines peuvent donc être transportées par les animaux sur de longues distances de manière totalement passive, et ainsi coloniser de nouveaux territoires !
Prenons un autre exemple de migration végétale : le chêne. Il y a environ 15.000 ans, cette espèce d’arbres n’était présente qu’au sud de l’Europe, en Espagne et en Italie, et on pouvait trouver quelques populations en Turquie. Aujourd’hui, le chêne est une espèce qu’on trouve partout en Europe Occidentale, et même dans les pays plus au nord comme l’Angleterre, les Pays-Bas, le Danemark ou encore la Suède et la Norvège !
En fait, on estime que les chênes sont capables d’étendre leur territoire de plus de 500 mètres chaque année, et ce depuis au moins 18.000 ans. Ici, pas de bogue ou d’épines qui s’accrochent dans les poils. Comment cette migration est-elle alors possible ? Plusieurs facteurs entrent en jeu. Tout d’abord, le réchauffement climatique a permis de créer des conditions propices à la migration des chênes. Il ne s’agit bien évidemment pas du réchauffement climatique dont nous parlons aujourd’hui, mais du phénomène naturel qui survient après une période glaciaire. À la suite de cet événement climatique, un autre mouvement migratoire se développe : celui des Hommes.
Il y a 18.000 ans, les Hommes profitent du réchauffement climatique pour se déplacer vers de nouvelles régions situées plus au Nord. À cette époque, il est fort probable que les nomades aient transporté avec eux différents types de graines, dont des glands, pour se nourrir. Certains glands ont pu été dispersés au cours de ces voyages, donnant naissance à de nouvelles populations de chênes ! C’est sans compter sur d’autres animaux comme les pies, les corbeaux, les geais, les chevreuils ou les rongeurs qui se délectent de ces graines et peuvent les transporter sur plusieurs dizaines de kilomètres ! Les comportements alimentaires de nombreuses espèces permettent ainsi des "sauts de puce" dans la migration du chêne.
Les châtaigniers et les chênes ne sont bien sûr que deux exemples de migration parmi des milliers d’autres, et certains arbres ont évolué de manière à permettre à d’autres éléments de disperser graines et pollen ; c’est le cas des érables qui forment des fruits ailées, appelés "samares", qui peuvent être transportés par le vent. Les cocotiers, quant à eux, produisent des fruits (les noix de coco) capables de flotter à la surface de l’eau et qui voyagent au gré des courants ! La migration végétale est donc bien existante et se produit en ce moment même.
Bien sûr, parcourir de grandes distances est important pour coloniser de nouveaux milieux, mais il faut aussi être capable de s’adapter rapidement ; un autre avantage qui permet aux arbres de coloniser durablement de nouveaux écosystèmes, c’est leur grande diversité génétique. Cette dernière est la clef de l’adaptation des espèces, végétales et animales, aux changements constants qui se produisent sur la planète !