L'ancien Premier ministre a estimé que le président de la République devrait ajouter des qualités d'"humanité" à son "autorité" et à sa "modernité".
Dominique de Villepin a peut-être visé juste en conseillant à Emmanuel Macron de faire preuve d'humanité à côté de "autorité" et de sa "modernité". Car c'est un homme qui a payé pour voir ! Pour savoir que l’obstination n’empêche pas l’abandon : en mars 2006, après avoir tenu ferme plus de deux mois face à la rue qui conspuait son Contrat première embauche (CPE), Dominique de Villepin finit par plier. Était-ce une preuve d’humanité ? Pas vraiment, il cédait plutôt aux coups de boutoir de son opposant de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. Mais quand Dominique de Villepin énonce que "si on fonce tête baissée, on se prend le mur", que le risque du métier, "c'est qu'on devienne isolé, solitaire, arrogant et coupé d'un certain nombre de réalités", il parle en spécialiste.
"Il ne sait pas faire preuve d'auto-dérision". Le CPE date d'il y a douze ans, un siècle en politique. Certes. Sauf qu’il a peut-être appuyé là où ça fait mal : un soupçon d’autoritarisme, une once de manque de recul, une incapacité de la part d’Emmanuel Macron à accepter le début du commencement d’une critique. Son agacement ostensible, il y a quelques jours en Inde, à l’endroit d’une consœur qui l’interrogeait sur la mise en scène d’une pseudo visite privée, peut être considéré comme un péché véniel.
Mais un de ses proches en fait un décryptage très différent. "Emmanuel est très susceptible", nous raconte-t-il. "Il ne supporte pas qu’on s’en prenne à lui, à son intelligence, à sa culture et à sa vie privée. Or qu’avait-il sous les yeux pendant cette visite indienne ? Une vidéo devenue virale où l’on voyait son Premier ministre sous son meilleur jour. La fameuse vidéo où Edouard Philippe fait un lapsus énorme devant le monde du rugby. Pris à son tour de fou rire, il met les rieurs de son côté en en rajoutant. Et bien cette séquence-là a dû mettre le président en fureur nous assure-t-il, car c’est exactement ce qu’il ne sait pas faire, faire preuve d’auto-dérision et d’empathie."
L'intérêt de rester à l'écoute. L’empathie n'est pas ce que réclament les cheminots ou les retraités. Personne n’attend une politique des "câlins", aussi sûrement qu’une diplomatie des câlins ne suffit pas à vendre des Rafales. Pourquoi je vous parle d’un élément de psychologie d’Emmanuel Macron ? Parce qu’il a instauré depuis son élection, un mode de gouvernance personnel, vertical, qui assume, au nom de l’efficacité, laisser peu de place à la concertation et au dialogue. Parce que tout procède de lui, il est en première ligne sur tout. Une ligne formidable en début de mandat, plus compliquée quand les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. Le président aurait tout intérêt à rester à l’écoute, lui qui ne s’offusque ni de l’interpellation des retraités aux pensions modestes, ni de celle des parlementaires qui s’interrogent sur sa réforme des institutions, pas plus que des salariés qui redoutent l’avenir.
L’empathie, oui, fait aussi partie du job. Sauf à prendre le risque que les électeurs parlent plus haut et plus fort pour se faire entendre, comme ils ont pu le faire dimanche en Haute-Garonne en renvoyant très sèchement le candidat de la République en marche à ses études.