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Raphaël Enthoven est émerveillé par le printemps urbain des affiches électorales.

La ville entière est en campagne ! Depuis le début de la campagne officielle fleurissent en bataille, sur des panneaux équitablement répartis, des affiches électorales. Et vous êtes émerveillé par ce printemps urbain.

Oui, c'est une avalanche de tableaux. Un festin pour les yeux.
Les affiches électorales, ce sont des fleurs, dont le message est le parfum. Jean-Luc Mélenchon, par exemple, regarde à gauche mais moins qu'en 2012, où il avait les deux yeux dans la même direction. Ici, c'est tout le buste qui est à gauche mais, par la grâce d'un léger strabisme divergent, il ne lorgne plus sur la gauche que d'un seul œil.

Jacques Cheminade et Philippe Poutou ont en commun de cacher leur calvitie (qui évoque le désert) mais Cheminade, c'est parce qu' il est en mouvement qu'il est mal cadré (car Cheminade est actif), alors que Poutou, dont un cercle rouge découpe opportunément le front dégarni, a le visage qui baigne ds la double lumière d'un soleil couchant et d'une barbe naissante (qui dit le labeur) ms dt la blancheur exprime la sagesse.

Vous en parlez comme si c'étaient des œuvres d'art !

Mais ce sont des œuvres d'art ! Aucune FIAC ne leur arrive au talon.

Benoît Hamon, tiens, a la tête légèrement penchée vers la droite, ce qui lui permet d'arriver au centre, tout en regardant à gauche. Toute l'image est un jeu d'équilibre. Evidemment, Macron n'a pas ce problème. Il n'a pas besoin de se plier en 4 pour se retrouver au centre. Du coup, en ce qui le concerne, l'image est totalement symétrique. Le buste est exactement centré, avec un oeil bleu de chaque coté. On dirait un alexandrin avec césure à l'hémistiche. Et comme l'ensemble est un peu rigide, le mouvement est pris en charge par la présence subliminale de silhouettes en arrière-fond.

Et Fillon ?

Ah, Fillon, c'est sublime. Le sourire est grave et le visage est beau d'être éprouvé. Tout en lui montre qu'il ne pleure pas. Qu'il ne pleure plus. Qu'il a pleuré comme il a plu. Et qu'il plaira d'avoir pleuré. Il emprunte ses rides aux infamies de l'existence qu'il traverse, tête haute. Il est solide. Il est tendre. Il est blessé. Il aime sa femme. Et il est là.

En fait, ce que vous dites, c'est que sur les affiches de campagne, le message est implicite, mais il n'est pas caché ?

Disons qu'il y a plusieurs niveaux sur une affiche. D'abord, à la surface, vous avez l'idée, ou le slogan. Et puis, à mesure qu'on regarde, l'image se dénude et révèle ses secrets, et l'idée s'estompe derrière l'impression... La photo en médaillon de Nathalie Artaud raconte qu'elle est moins importante que les idées qu'elle défend. Les généreuses pattes d'oie de NDA décrivent le maintien d'un sourire sous le passage des ans... Rien n'est dit. Mais tout est clair. Car la partie de nous-même à laquelle s'adressent ces hiéroglyphes n'est pas la raison ni même le coeur mais l'inconscient, ie la somme des petites perceptions souterraines qui, au dernier moment, fabriquent une décision.

La morale de l'info?

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