Chaque samedi, Bernard Poirette vous fait découvrir ses coups de cœur en matière de polar.
Automne 1959. Ça fait déjà cinq ans que durent ce qu’on appelle pudiquement les "événements d’Algérie". Désormais, la violence déborde ici, en métropole. A Paris, les basanés sont tous de potentiels tueurs du FLN. Les flics du préfet Maurice Papon raflent, cognent et gardent à vue sans limites et sans justifications. Quant à l’avocat Abderhamane Bentoui, il est soupçonné de fricoter avec les indépendantistes algériens. De là à le faire exécuter, chez lui, avec toute sa famille, au cœur de la capitale, il y a un grand pas, franchi pourtant sans état d’âme par le Préfet de police de Paris et son dircab Jean Paul Deogratias. La raison d’Etat, parait-il.
Pour des raisons très différentes, trois hommes s’activent sur le carnage Bentoui. Le jeune inspecteur Luc Blanchard, chargé de l’enquête par le préfet Papon, avec prière de ne pas curer trop profond dans les égouts de la République. Le truand corse Antoine Carrega, qui rend service à son compagnon de la résistance, Aimé de la Salle de Roquemaure, dont la fille vivait avec l’avocat assassiné ; elle est morte avec lui. Le vieux gaulliste veut la vérité, pas celle de l’ex- collabo Maurice Papon, "qui aurait dû être fusillé en 1945". Enfin Sirius Volkstrom, soldat perdu de bien des causes mais surtout homme à tout faire de l’extrême droite. A tout faire, même le pire, très bientôt, pour le compte de l’OAS.
Très bon roman policier et plus encore remarquable roman historique, "Requiem pour une république" nous emporte dans cette France gaulliste d’il y a soixante ans, qui a failli basculer dans la guerre civile ou dans la dictature. En regard, la crise des gilets jaunes, c’est une fête de patronage. C’est aussi à lire sans attendre pour un peu mieux comprendre ce qui se passe depuis six semaines de l’autre côté de la Méditerranée. "Requiem pour une république", de Thomas Cantaloube, est paru dans la série noire, chez Gallimard.