Chaque matin, Nicolas Beytout a carte blanche pour nous éclairer sur un sujet qui l'a marqué dans l'actualité.
Nicolas Beytout remplace Jean-Michel Aphatie du lundi 25 février au vendredi 1er mars 2019.
Ce mardi, Benoît Hamon a présenté la liste qu’il conduira lui-même aux prochaines élections européennes.
Cette journée devrait rester comme un moment important dans la petite histoire de la gauche française. Benoît Hamon c’est 6% des voix à la dernière élection présidentielle, un score historiquement bas qui efface 50 ans de vie du Parti socialiste. Depuis, il a quitté le PS et fondé son propre mouvement, Generation.s. À partir de cette nouvelle base, il a cherché à refonder cette gauche qu’il avait contribué, avec d’autres, à détruire. Et refonder, quand un paysage politique est dévasté, c’est rassembler.
Sa liste pour les Européennes est donc faite pour rassembler ?
Et non, c’est même l’inverse. Chacun est en train d’y aller de son côté. Le PS et son Premier secrétaire (Olivier Faure) n’arrive toujours pas à se décider. Il n’a qu’une certitude, il ne s’alliera ni à Benoît Hamon (qui d’ailleurs ne le souhaite pas), ni aux Verts qui pensent que ces Européennes sont un moment de grâce pour Yannick Jadot et les écolos. Quant à Jean-Luc Mélenchon, son mépris pour tout ce qui ne procède pas de lui interdit tout rapprochement. Reste, les communistes, qui font justement le choix de rester seuls.
On aura donc une gauche éparpillée ?
Façon puzzle, exactement. Avec des scores terribles. Tous les sondages actuels s’accordent sur un point : aucune liste n’approche 10%. Benoît Hamon est donné à 5% comme le PS, les communistes pointent à 2%, et tout ce beau monde est emmené par les Verts (8%) et la France Insoumise (8% aussi, c’est-à-dire plus de 10 points en-dessous du score de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, il y a deux ans).
Donc au total, on est à moins de 30% ?
C’est ça ! Jamais la gauche n’a été aussi faible depuis la deuxième guerre mondiale. Il y a bien des tentatives de renfort de la part d’intellectuels comme l’essayiste Raphaël Glucksmann et son mouvement Place Publique.
Ce mouvement est d’ailleurs très symptomatique de ce qui se passe à gauche en ce moment. Il se décrit comme "citoyen, écologiste et solidaire". Trois mots que l’on retrouve un peu partout dans les autres listes.
Si vous regardez le profil des candidats en effet, on s’aperçoit qu’un nombre très important d’entre eux vient des rangs des ONG. La tête de liste de la France Insoumise était porte-parole de l’organisation Oxfam. À côté d’elle, il y a une femme qui a écrit un livre sur le scandale des Ehpad, c’est son métier. Chez Benoît Hamon, on trouve le patron du Samu social de Paris, et l’ancienne présidente de Médecins du monde.
Cette OPA des ONG, c’est aussi le symptôme d’une grande perte de repère de ces partis politiques. Quand s’investit dans une ONG, on ne milite pas pour un corpus idéologique global, non : on défend une cause, un secteur, on bataille contre tel ou tel scandale. Alors, ça n’est pas une façon moins noble de faire de la politique. Mais avec de telles listes, il est probable que la campagne électorale nous emmènera très loin des questions européennes.